Vous le savez sans doute : en 2018, le gouvernement a lancé un organisme à but non lucratif appelé Lab-École. Ses trois dirigeants sont l’architecte Pierre Thibault, le triathlonien Pierre Lavoie et le chef cuisinier Ricardo Larrivée.

Ils ont eu envie qu’on échange, et c’est une offre que je ne pouvais pas refuser. J’ai eu raison : ce fut passionnant et instructif.

La mission du Lab-École est de « repenser l’environnement physique des écoles pour favoriser la réussite et contribuer au bien-être des élèves », et ce, « autour de trois grands piliers » : l’environnement physique ; l’agriculture et l’alimentation scolaires ; un mode de vie physiquement actif. Activité physique, bâtiment, alimentation : est-il nécessaire de dire à quel point l’actualité ne cesse de nous rappeler combien ces sujets sont importants pour l’école et que ça ne va pas trop bien pour chacun d’eux ?

Six ans plus tard, en plus de quelques intéressantes publications, quatre écoles sont terminées (à Québec, à Saguenay, à Maskinongé et à Shefford) et deux sont sur le point de l’être (à Rimouski et à Gatineau). On trouvera des informations sur chacune d’elles sur le site du Lab-École sous l’onglet « Nos Lab-École ».

L’éducation, on le sait, est un sujet complexe et souvent polémique. Coexistent des visions souvent divergentes, voire opposées, de sa nature et de ses finalités. Au total, innover n’est pas toujours facile.

Sur ce plan, je trouve que trois choses que le Lab-École a faites méritent notre attention. Elles concernent la manière dont on a travaillé dans ce projet.

La première a été de consulter les personnes et les groupes concernés par ce qui serait décidé (enseignants, enfants, parents, directions d’école et de CSS, citoyens…), de les impliquer dans la vaste conversation qui doit être tenue, puis dans la mise en place de ce qu’on aura décidé. On a aussi, en ce sens, publié des fascicules, des dossiers et des capsules Web.

La deuxième chose est que, malgré ce souci de partage, de discussion et d’implication du plus grand nombre, il n’a pas été question de négliger, ou pire encore de nier, la place de l’expertise. Même s’il arrivait qu’un bon nombre de personnes demandent que l’on serve à l’école une certaine nourriture que la science alimentaire sait être néfaste, ou du moins peu souhaitable, on s’y opposera, Ricardo en tête. Au Lab-École, on a donc consulté et sérieusement pris en compte l’expertise. On a étudié, lu, discuté, on est allés voir ce qui se faisait ici et ailleurs. Et pour la construction des écoles, on a lancé des concours : ici encore, des experts proposent et des experts décident, un peu comme on fait en recherche pour la révision par les pairs.

Mais se peut-il que ce qui est mis de l’avant ne fonctionne pas malgré tout, ou pas bien, ou du moins pas comme on le souhaitait ?

La troisième chose importante et inspirante que ce projet a mise en place est un processus d’évaluation par des chercheurs, par des experts et des universitaires, destiné justement à permettre de le savoir. La chose est assez rare pour mériter d’être soulignée.

Alors : est-ce que ce qu’on a proposé et mis en place est efficace pour favoriser la réussite des élèves et contribuer à leur bien-être ? J’ai bien hâte de lire à ce sujet.

L’école est bien entendu un lieu de socialisation et y apprendre l’importance de l’activité physique et de bien se nourrir est une composante notoire de cette socialisation et de la préparation à la vie adulte, tout comme il est souhaitable de vivre dans un environnement propice et stimulant.

Mais l’école est aussi, et même avant tout, un lieu où on transmet des savoirs jugés centraux à travers un curriculum dont on a collectivement convenu.

Ce que le Lab-École met en place peut certes favoriser la transmission de ce curriculum et son apprentissage par les élèves. Mais, bien entendu, il ne le définit pas.

Que disent là-dessus les trois maîtres d’oeuvre du Lab-École ? Qu’en disent-ils après des années à circuler dans le milieu, à parler à tant de ses acteurs ?

D’une seule voix, tous trois me disent que le Québec est mûr pour une grande réflexion collective sur l’éducation menée sur le modèle de ce qu’a fait chez nous la commission Parent.

Vous devinez que je m’en suis réjoui.

Mais ils ont également ajouté une chose qui, elle aussi, mérite réflexion, une chose apprise au cours de leur travail. La voici.

Certes, ce curriculum que doit transmettre l’école est mutatis mutandis le même pour tous. Mais on devrait, on doit aussi sérieusement et respectueusement prendre en compte le milieu dans lequel a lieu cette transmission. En ce sens, pour prendre un de leurs exemples, on ne fera pas de copier-coller pour l’architecture des écoles, qui ne devraient pas toutes se ressembler et qui devraient donc être construites en respectant le milieu où elles existent.

Merci, Messieurs, d’avoir partagé tout cela avec nous.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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Des leçons du Lab-École

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27.04.2024

Vous le savez sans doute : en 2018, le gouvernement a lancé un organisme à but non lucratif appelé Lab-École. Ses trois dirigeants sont l’architecte Pierre Thibault, le triathlonien Pierre Lavoie et le chef cuisinier Ricardo Larrivée.

Ils ont eu envie qu’on échange, et c’est une offre que je ne pouvais pas refuser. J’ai eu raison : ce fut passionnant et instructif.

La mission du Lab-École est de « repenser l’environnement physique des écoles pour favoriser la réussite et contribuer au bien-être des élèves », et ce, « autour de trois grands piliers » : l’environnement physique ; l’agriculture et l’alimentation scolaires ; un mode de vie physiquement actif. Activité physique, bâtiment, alimentation : est-il nécessaire de dire à quel point l’actualité ne cesse de nous rappeler combien ces sujets sont importants pour l’école et que ça ne va pas trop bien pour chacun d’eux ?

Six ans plus tard, en plus de quelques intéressantes publications, quatre écoles sont terminées (à Québec, à Saguenay, à Maskinongé et à Shefford) et deux sont sur le point de l’être (à Rimouski et à Gatineau). On trouvera des informations sur chacune d’elles sur le site du Lab-École sous l’onglet « Nos Lab-École ».

L’éducation, on le sait, est un sujet complexe et........

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