Cela fait deux ans ce mois-ci que je partage mes analyses dans cette section. Mes motivations demeurent inchangées : offrir un point de vue qui s’appuie sur mon bagage politique passé, coloré par mon conservatisme fiscal progressiste.

Être un conservateur dans les médias n’est pas simple. On n’est jugés crédibles ou pris au sérieux que lorsqu’on critique notre propre famille politique. Si je défends, contextualise ou nuance la position des conservateurs, on me taxe de partisanerie ou on me colle l’étiquette de « cheval de Troie » du Parti conservateur du Canada (PCC).

Oui, j’ai été conseiller politique et porte-parole dans le gouvernement Harper et dans l’opposition. Oui, j’ai été candidat du PCC lors d’élections. Je ne m’en cache pas. Mais je n’occupe plus ces fonctions depuis plus de quatre ans maintenant. Cette expérience m’accompagne et me permet de mieux vulgariser l’information politique dans les médias.

Oui, Yves-François Blanchet et Bernard Drainville, comme tant d’autres avant eux, ont utilisé leurs tribunes médiatiques pour se lancer ou se relancer en politique. Je n’ai pas l’intention de briguer un siège de député à la prochaine élection. La prochaine élection fédérale, je souhaite la vivre comme analyste politique, si on m’offre une telle tribune.

Pour certains, je suis un scab. Mais je fais de l’opinion, je ne fais pas le travail d’un reporter. Ce dernier ne peut pas offrir le même éclairage que le mien ; il n’a pas été en politique active. Il faut faire la différence et la nuance. Mon rôle est souvent d’échanger avec des journalistes et animateurs pour tenter d’expliquer les motivations à l’origine de certaines prises de position de nos politiciens. Pourquoi une motion de confiance sur la taxe sur le carbone, alors que les conservateurs savent le vote perdu d’avance ? Parce qu’ils veulent voir s’il y aura dissidence dans les rangs adverses. Mais surtout pour obtenir le fameux clip montrant des députés libéraux et bloquistes se lever en Chambre pour augmenter les taxes afin d’utiliser cet extrait le moment venu dans des publicités ciblées portant la mention : « Regardez votre député. » Quand l’élection sera déclenchée, cet extrait sera forcément payant.

Contrairement à certains chroniqueurs, je ne dis pas aux gens comment penser. Encore moins quoi penser. Ma présence sert à équilibrer les opinions. Le taux de satisfaction du gouvernement Trudeau est famélique. Je ne suis pas le seul à penser qu’il faut du changement à Ottawa, ce n’est pas une affaire de partisanerie.

Ma décision de me joindre au PCC en 2008, je la dois en grande partie au legs politique et à la carrière du regretté Brian Mulroney. J’ai appris la nouvelle de son décès quelques minutes avant d’être en ondes. J’ai parlé sur le vif de son héritage et de ses réalisations. Je n’ai pas eu l’occasion de dire qu’il a été et restera un modèle pour moi. Lorsque je fais des débats, je pense toujours à son échange avec John Turner lors de l’élection de 1984. Et quand il y a des caméras lors de discussion entre politiciens et électeurs, je me demande si cela deviendra un moment « Goodbye, Charlie Brown », tel que celui essuyé par Brian Mulroney au milieu des années 1980.

J’admire Brian Mulroney. Lors de mes études, je ne percevais pas les libéraux de Jean Chrétien comme des adversaires. Il y avait une certaine rigueur budgétaire. Mais il y a eu le scandale des commandites, les guerres Chrétien-Martin. Le Parti libéral est devenu élitiste, urbain et, avec Michael Ignatieff, a pris des plis de la gauche caviar. Il est quand même ironique que la monarchie ne soit pas populaire au Québec, mais qu’on y vote pour Trudeau fils, comme si c’était un droit héréditaire. Le « natural governing party » comme se définissent les libéraux.

J’ai préféré faire mes classes au sein du PCC, à la méritocratie. J’ai commencé comme bénévole. Je me suis présenté dans une circonscription impossible. J’ai travaillé pour un ministre pendant quatre ans. D’une certaine façon, le destin a voulu que nous travaillions à la continuité d’une des oeuvres de Brian Mulroney ; le libre-échange. Il avait réalisé l’impossible : un accord de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique. Le gouvernement de Stephen Harper a fait de même avec l’Europe, la Corée du Sud et le partenariat transpacifique. Souvent, des ambassadeurs ou des fonctionnaires nous racontaient des anecdotes tirées des négociations de l’ère Mulroney, dont nous raffolions.

On dit souvent qu’au Canada, on gouverne au centre. Mais Justin Trudeau ne gouverne certainement pas au centre. Nombre de chroniqueurs dénoncent les positions de Pierre Poilievre et défendent la nécessité pour lui de faire un virage vers le centre. Mais pour rétablir l’équilibre après huit ans d’un gouvernement de gauche, à la merci du Nouveau Parti démocratique (NPD), on a besoin d’un sérieux coup de barre, avec une réduction de la taille de l’État et une gestion serrée des deniers publics. Redresser les finances publiques, c’est ce qu’avait commencé à faire Brian Mulroney, après 20 ans de gouvernement libéral précédent. Cela sera également la tâche de Pierre Poilievre.

On dénonce la montée de la droite dans le monde. C’est bizarre, quand ce sont des gouvernements de gauche qui montent, on salue de belles victoires. On parle beaucoup de populisme à droite, mais il y a aussi du populisme à gauche. Quand on promet que l’État va régler tous vos problèmes avec des programmes sans tenir compte des finances publiques et du fardeau fiscal des contribuables, n’est-ce pas du populisme de gauche ? Et quand on dit que la souveraineté du Québec est la solution à tous vos problèmes, n’est-ce pas une réponse simpliste, sinon populiste, à des problèmes complexes ? L’absence de médecin de famille pour tous au Québec ne va pas se résorber si le Québec devient soudainement un pays.

Certains observateurs sont incapables de parler de Pierre Poilievre sans faire des allusions directes ou à peine voilées à Donald Trump ou noircir, voire détourner ses idées. Ce faisant, ils jouent le jeu très dangereux des libéraux. Alors, oui, il faut des voix pour dénoncer ces errements. J’apporte un autre éclairage. À vous ensuite de vous faire une opinion.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées en accueillant autant les analyses et commentaires de ses lecteurs que ceux de penseurs et experts d’ici et d’ailleurs. Envie d’y prendre part? Soumettez votre texte à l’adresse opinion@ledevoir.com. Juste envie d’en lire plus? Abonnez-vous à notre Courrier des idées.

QOSHE - Un conservateur dans le cirque médiatique - Rodolphe Husny
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Un conservateur dans le cirque médiatique

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02.04.2024

Cela fait deux ans ce mois-ci que je partage mes analyses dans cette section. Mes motivations demeurent inchangées : offrir un point de vue qui s’appuie sur mon bagage politique passé, coloré par mon conservatisme fiscal progressiste.

Être un conservateur dans les médias n’est pas simple. On n’est jugés crédibles ou pris au sérieux que lorsqu’on critique notre propre famille politique. Si je défends, contextualise ou nuance la position des conservateurs, on me taxe de partisanerie ou on me colle l’étiquette de « cheval de Troie » du Parti conservateur du Canada (PCC).

Oui, j’ai été conseiller politique et porte-parole dans le gouvernement Harper et dans l’opposition. Oui, j’ai été candidat du PCC lors d’élections. Je ne m’en cache pas. Mais je n’occupe plus ces fonctions depuis plus de quatre ans maintenant. Cette expérience m’accompagne et me permet de mieux vulgariser l’information politique dans les médias.

Oui, Yves-François Blanchet et Bernard Drainville, comme tant d’autres avant eux, ont utilisé leurs tribunes médiatiques pour se lancer ou se relancer en politique. Je n’ai pas l’intention de briguer un siège de député à la prochaine élection. La prochaine élection fédérale, je souhaite la vivre comme analyste politique, si on m’offre une telle tribune.

Pour certains, je suis un scab. Mais je fais de l’opinion, je ne fais pas le travail d’un reporter. Ce dernier ne peut pas offrir le même éclairage que le mien ; il n’a pas été en politique active. Il faut faire la différence et la nuance. Mon rôle est souvent d’échanger avec des journalistes et animateurs pour tenter d’expliquer les motivations à........

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