À la mi-mars, les étudiants des associations étudiantes de l’Université de McGill et de Concordia se sont réunis pour faire une grève contre les hausses des droits de scolarité annoncés par la Coalition avenir Québec (CAQ) en 2023. Les étudiants des universités anglophones ont dévalé les rues en criant « Scandale à cette mesure », disant qu’elle est injuste et discriminatoire. Quant à moi, bien qu’elle fasse encore passer les Québécois pour des xénophobes ou anglophobes, je pense qu’il s’agit d’une simple question d’équité.

C’est bien connu, Concordia et surtout McGill jouissent de dons privés de leurs anciens étudiants. Cette richesse accumulée depuis des décennies permet à ces universités de jouir d’un financement important, une tradition qui est moins bien établie dans les réseaux francophones. On saisit l’ampleur de cette richesse à la réponse des universités anglophones à cette hausse de droits qui proposent d’offrir à leurs étudiants des bourses pour compenser le nouveau prix qu’ils auront à débourser. Il suffit d’un simple calcul pour saisir la petite fortune que cela représente.

Les universités francophones bénéficient aussi de dons privés, mais cette somme n’est pas équivalente pour des raisons socio-économiques, puisque les étudiants de McGill viennent en majorité de milieux plus élevés, et culturels. De plus, en raison de leur attrait international, les universités anglophones bénéficient financièrement du bassin de population étrangère qui leur est offert.

En vertu de ces disparités économiques, il me semble logique que les universités francophones, d’une province majoritairement francophone, bénéficient d’une redistribution. Les nouveaux droits perçus par le gouvernement du Québec pourront être réinvestis dans les autres universités de la province afin qu’elles puissent jouir d’un soutien financier plus important auquel elles ont difficilement accès en ce moment. Le Québec s’inscrit depuis longtemps dans une approche de redistribution des richesses. Pourquoi ne pas appliquer cette idéologie jusque dans nos universités ?

Bien sûr, ce n’est pas parce que les têtes de ces universités s’en remettront financièrement qu’il en va de même pour sa population étudiante. Cela dit, je vous rappelle que la hausse des droits ne s’appliquera pas aux résidents du Québec. Les gens d’ici pourront tout autant bénéficier d’une éducation en anglais, à des prix abordables, s’ils le souhaitent. Pour ce qui est des étudiants internationaux ou de ceux de l’extérieur de la province, je ne vois pas pourquoi la responsabilité de l’accessibilité à l’éducation s’en remettrait entièrement au gouvernement du Québec.

Le Québec n’est pas la seule province à offrir des universités anglophones. Le Canada tout entier regroupe plus d’une centaine d’universités, dont la majorité sont anglophones. Je doute donc fortement que ces étudiants ne puissent avoir accès à l’éducation dans la langue de leur choix si le Québec ne leur paie pas un banc d’école.

Le choix des étudiants vers les universités anglophones est expliqué en partie par la langue, mais aussi par le prestige de celles-ci. Il n’est pas rare, même chez des étudiants francophones d’ici, d’entendre une pensée que j’appelle « McGill ou rien ». Ce discours promeut l’idée que seule McGill est un choix convenable pour étudier et justifie l’inscription dans une université en anglais, bien qu’une personne parle français. Ce même type d’idéologie semble s’appliquer aux cégeps anglophones, comme si étudier en anglais signifiait automatiquement avoir accès à une meilleure éducation. Une idée archaïque qui semble découler d’un discours pré-Révolution tranquille.

Il est grand temps de revaloriser le système d’éducation francophone. Dans un contexte de mondialisation et d’américanisation, l’anglais est une clé importante, oui, mais il est faux de penser qu’étudier en français signifie ne pas pouvoir rayonner sur la scène internationale ou même entrer en dialogue avec celle-ci. L’Université de Montréal, par exemple, constitue un bassin d’accueil immense pour les étudiants de pays étrangers comme la France, la Chine ou même le Brésil. Les échanges culturels sont riches sur le campus, où j’ai moi-même rencontré des étudiants venant de l’étranger dans chacun de mes cours.

On encense la réputation de McGill, ses avancées, son rayonnement à l’international, mais ne serait-il pas fantastique que le Québec puisse se distinguer aussi par ses universités qui défendent la francophonie ? Que lorsqu’on choisit le Québec pour venir étudier, les options ne soient pas limitées aux universités anglophones. En gardant les droits de scolarité les plus avantageux pour les universités francophones, on offre aux universités francophones une possibilité de vraiment se démarquer. On leur permet de ne plus être condamnées à rester dans l’ombre de la supériorité de l’éducation en anglais. Enfin, on leur réattribue la valeur qu’elles méritent.

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QOSHE - Une simple question d’équité - Roxanne Corriveau
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Une simple question d’équité

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15.04.2024

À la mi-mars, les étudiants des associations étudiantes de l’Université de McGill et de Concordia se sont réunis pour faire une grève contre les hausses des droits de scolarité annoncés par la Coalition avenir Québec (CAQ) en 2023. Les étudiants des universités anglophones ont dévalé les rues en criant « Scandale à cette mesure », disant qu’elle est injuste et discriminatoire. Quant à moi, bien qu’elle fasse encore passer les Québécois pour des xénophobes ou anglophobes, je pense qu’il s’agit d’une simple question d’équité.

C’est bien connu, Concordia et surtout McGill jouissent de dons privés de leurs anciens étudiants. Cette richesse accumulée depuis des décennies permet à ces universités de jouir d’un financement important, une tradition qui est moins bien établie dans les réseaux francophones. On saisit l’ampleur de cette richesse à la réponse des universités anglophones à cette hausse de droits qui proposent d’offrir à leurs étudiants des bourses pour compenser le nouveau prix qu’ils auront à débourser. Il suffit d’un simple calcul pour saisir la petite fortune que cela représente.

Les universités francophones bénéficient aussi de dons privés, mais cette somme n’est pas équivalente pour des raisons socio-économiques, puisque les étudiants de McGill viennent en majorité de milieux plus........

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