Chaque 31 décembre, c’est la même rengaine : le Président récapitule les 365 derniers jours, avec un affaissement contrit des sourcils pour dire que bon Dieu, on en a chié, mais l’année qui vient, c’est notre année à nous/l’année de la détermination/l’année des possibles/de tous les espoirs… que le lecteur insère ici la formule la plus vague et la plus éculée que son imagination puisse lui souffler.

J’ignore qui allume la télé pour voir des portes ouvertes se faire si gaillardement enfoncer, mais personne, de toute façon, ne peut y échapper. On en bouffe au zapping, dans les journaux, sur Twitter, comme s’il y avait vraiment une lecture analytique à faire de cette bafouille d’une banalité à faire passer les "bonne année, bonne santé (mais pas des pieds !)" que nous imposent les boute-en-train de la famille pour un aphorisme d’Oscar Wilde. À croire qu’en cette période, le Français moyen n’a pas assez du post-coïtum débilitant de Noël.

Moi Président, il n’est pas garanti que je prendrais vingt minutes entre le foie gras et le chapon pour dresser un bilan pitoyable, je pense que je me ferais discrète. Mais s’il faut absolument parler, je dirais en substance, cette année a été rude, et attendez, celle qui arrive risque fort de nous faire perdre nos derniers cheveux.

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Comme ça, le 31 décembre prochain, en cas de bonne surprise (pas de guerre nucléaire, le prix des cerises à la baisse, ou Depardieu soudain aveugle et muet), je pourrais m’extirper un vrai sourire pour vous dire que finalement, on s’en est plutôt bien tirés, non ? On a serré les miches, mais ça ne s’est pas si mal passé ! Déjà, on est vivants.

La chronique du temps présent d'Emma Becker : "Tous les héros ne portent pas de barbe blanche"

Maigre consolation, certes, mais voyons le bon côté des choses, pour celles et ceux qui désirent s’accrocher, il reste une foultitude de petites joies discrètes. La perspective d’exporter nos punaises de lit parisiennes dans toute l’Europe, voire aux antipodes, par l’entremise des JO ; celle d’apprendre à dire "la vache, 4 euros le ticket de métro, c’est du vol", dans toutes les langues des touristes qui viendront s’entasser dans l’espoir de voir une cuisse d’athlète. Le soulagement de penser qu’au moins c’est pas chez nous que ça bombarde, en suivant l’évolution des conflits divers.

Le philosophe Alain, que j’aime beaucoup, écrit que la solution à tous ces nuages qui encombrent l’Homme et l’empêche d’atteindre une forme de bonheur, c’est de regarder au loin.

Il entend par là regarder le ciel, la nature, toute cette immensité à laquelle nous appartenons et qui devrait nous faire relativiser - mais si on le prend littéralement, il faut bien avouer qu’au loin, ça pue encore plus que chez nous. Alors bonne année, j’imagine.

Emma Becker

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La chronique du temps présent d'Emma Becker : "On en reprend pour un an"

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07.01.2024

Chaque 31 décembre, c’est la même rengaine : le Président récapitule les 365 derniers jours, avec un affaissement contrit des sourcils pour dire que bon Dieu, on en a chié, mais l’année qui vient, c’est notre année à nous/l’année de la détermination/l’année des possibles/de tous les espoirs… que le lecteur insère ici la formule la plus vague et la plus éculée que son imagination puisse lui souffler.

J’ignore qui allume la télé pour voir des portes ouvertes se faire si gaillardement enfoncer, mais personne, de toute façon, ne peut y échapper. On en bouffe au zapping, dans les journaux, sur Twitter, comme s’il y avait vraiment une lecture analytique à faire de cette bafouille d’une banalité à faire........

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