Cher monsieur le Maire,
Je m’aperçois que vos panneaux d’entrées de villes sont toujours à l’envers. Ça fait déjà plusieurs mois que les Jeunes Agriculteurs avaient lancé cette action accompagnée d’un slogan qui parle à un certain nombre de vos concitoyens : « On marche sur la tête. »
J’imagine que vous avez le projet de les remettre à l’endroit ces foutus panneaux mais ça demande une organisation. Les agents municipaux sont déjà pas mal occupés. Déjà, ils doivent entretenir les plaques d’égout, nettoyer les allées du cimetière, ramasser les feuilles mortes à l’aide par exemple d’un souffleur à essence qui souffle jusqu’à 270 km/h. Imaginez un peu la stupéfaction de la feuille morte qui n’a jamais eu l’occasion de monter dans un TGV et se retrouve propulsé à une vitesse de 270 km/h !


"La feuille morte, comme son nom l’indique, est sourde. Ça tombe bien pour elle, elle échappe à un niveau de puissance acoustique de près de 115 décibels. Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, je suis d’accord avec vous monsieur Prévert mais elles se soufflent surtout dans un boucan d’enfer.

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Je m’égare : nous parlions de vos panneaux monsieur le Maire. Allez-vous décider de les remettre à l’endroit ? Si c’est pour les retrouver à l’envers dès la semaine suivante, forcément, vous vous dites que c’est pas mal de temps et d’argent perdus.
Alors, pour le moment, tant que la colère des paysans n’est pas éteinte, le mieux est encore de laisser les panneaux à l’envers. Mais est-ce qu’on peut imaginer sincèrement que la colère des paysans va s’éteindre ? Un paysan en colère, c’est un pléonasme. Attention, je ne minimise pas du tout les raisons de la colère. S’ils ne peuvent plus vivre de leur métier, les paysans ont toutes les raisons du monde de ne pas être contents.
Mais les mécontentements comme les situations sont disparates. Entre le petit agriculteur qui a du mal à joindre les deux bouts et le grand céréalier gestionnaire d’un puissant groupe alimentaire, bien sûr, ce n’est pas tout à fait la même limonade. Le même coup de cidre si vous préférez.

La chronique du temps présent de François Morel : "Cher Monsieur Vialatte, je songerai à vous"

Je repensais à ce que racontait Annie Ernaux dans un de ses livres Une femme. Quand en 1968, les manifestants ont investi l’épicerie Fauchon, volant les produits de luxe pour aller les distribuer dans les bidonvilles de Nanterre, la maman de la prix Nobel s’était immédiatement senti solidaire de Fauchon vu qu’elle était elle-même propriétaire d’un petit café-épicerie à Yvetot. Je ne sais pas pourquoi je vous parle de ça. Ça n’a rien à voir. À moins que ça n’ait à voir.
Parmi les mesures obtenues par les syndicats agricoles, il y a donc la suspension du plan de réduction des pesticides. Le glyphosate est classé comme « probablement cancérigène » pour l’humain par le Centre International de Recherche sur le Cancer. Probablement, le petit paysan qui va l’utiliser lui-même avec sa sulfateuse et le patron de l’agroalimentaire travaillant depuis les bureaux de sa société, ne connaitront pas les mêmes risques.
On marche sur la tête. En effet, on ne peut pas mieux dire. A mon avis, monsieur le Maire, bien sûr, je n’ai aucun conseil à vous donner, mais j’ai l’impression que vous pouvez laisser au moins quelques semaines encore (quelques mois, quelques années ?), vos panneaux d’entrées de ville à l’envers.

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François Morel

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La chronique du temps présent de François Morel : "Cher Monsieur le maire"

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18.02.2024

Cher monsieur le Maire,
Je m’aperçois que vos panneaux d’entrées de villes sont toujours à l’envers. Ça fait déjà plusieurs mois que les Jeunes Agriculteurs avaient lancé cette action accompagnée d’un slogan qui parle à un certain nombre de vos concitoyens : « On marche sur la tête. »
J’imagine que vous avez le projet de les remettre à l’endroit ces foutus panneaux mais ça demande une organisation. Les agents municipaux sont déjà pas mal occupés. Déjà, ils doivent entretenir les plaques d’égout, nettoyer les allées du cimetière, ramasser les feuilles mortes à l’aide par exemple d’un souffleur à essence qui souffle jusqu’à 270 km/h. Imaginez un peu la stupéfaction de la feuille morte qui n’a jamais eu l’occasion de monter dans un TGV et se retrouve propulsé à une vitesse de 270 km/h !


"La feuille morte, comme son nom l’indique, est sourde. Ça tombe bien pour elle,........

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