«Qui aurait cru que la vie, ce serait cela?» écrivait le Portugais Fernando Pessoa dans Le Livre de l’intranquillité. Qui aurait cru qu’une révolution se fasse ainsi la fleur au fusil, au sens le plus littéral, comme le mouvement que les Portugais donnèrent en exemple à l’Europe, entre volonté et intransigeance, il y a 50 ans ce 25 avril 2024?

La Suisse put vite sentir les conséquences de cette liberté nouvellement conquise et devint la destination d’une importante migration portugaise dès la fin des années 1970. Aujourd’hui, environ 250 000 Portugais vivent chez nous, formant la troisième communauté étrangère du pays. Le nom de famille le plus porté en Suisse romande? Da Silva.

«Avec les Portugais, la Suisse a gagné à la loterie», disait avec ironie un chercheur spécialiste de l’immigration il y a quelques années. Notre pays se retrouvait en effet avec un afflux de travailleurs réputés sérieux, durs à la tâche, et qui ne rêvaient pas plus que ça d’un passeport à croix blanche ou d’une installation définitive. Tout pour plaire, de la gauche à la droite. Leur intégration s’est passée sans heurts majeurs, façon œillets suisses, avec une placidité faisant miroir à la douceur qui avait amené la démocratie au Portugal.

Cette diaspora jadis très communautaire, férue de son folklore, n’est cependant plus la même. Elle est moins homogène, voire parcourue d’antagonismes. Fruit de la révolution, votant depuis ici pour les scrutins portugais, elle demeurait compacte, notoirement à gauche, alimentant des syndicats ouvriers. Ce n’est plus vrai. Des enfants et petits-enfants ont fait le choix de retourner vers le Tage et une économie portugaise modernisée. Le solde migratoire est négatif depuis 2017. Ces communautés sont aujourd’hui ici le reflet des différences d’opinions au Portugal, au point de voir une partie importante des Lusitaniens de Suisse voter, par exemple, pour les extrémistes du parti Chega. On peut en penser ce qu'on veut, mais il est aussi possible d’y voir la marque d’une intégration qui a réussi à continuer de refléter les évolutions portugaises. Une sorte de version fado du «si tu ne vas pas à l’Europe, l’Europe viendra à toi».

QOSHE - Entre fado et œillets, la tranquille (mais changeante) intégration des Portugais en Suisse - Aïna Skjellaug
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Entre fado et œillets, la tranquille (mais changeante) intégration des Portugais en Suisse

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25.04.2024

«Qui aurait cru que la vie, ce serait cela?» écrivait le Portugais Fernando Pessoa dans Le Livre de l’intranquillité. Qui aurait cru qu’une révolution se fasse ainsi la fleur au fusil, au sens le plus littéral, comme le mouvement que les Portugais donnèrent en exemple à l’Europe, entre volonté et intransigeance, il y a 50 ans ce 25 avril 2024?

La Suisse put vite sentir les conséquences de cette liberté nouvellement conquise et devint la destination d’une importante migration portugaise dès la fin des années 1970. Aujourd’hui,........

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