Dans quelques jours, le parlement fédéral débattra d’une proposition de la droite consistant à accorder moins facilement l’asile aux femmes d’Afghanistan. Les persécutions sans fin, terribles et de tous ordres, dont elles font l’objet de la part des talibans en raison de leur genre ne devraient plus, demandent les motionnaires, suffire à ce qu’elles puissent être considérées comme réfugiées.

Entre Conventions de Genève, CICR et bons offices, le pays porte pourtant si volontiers en sautoir publicitaire son humanisme bien tempéré. Ce qu’il convient cependant de souligner, c’est qu’il fut un temps où il s’agissait pour notre politique extérieure d’être non seulement juste, raisonnable, mais surtout pionnière et exemplaire. Sans remonter jusqu’à Henry Dunant, c’est par exemple un ambassadeur suisse à Téhéran qui entraîna ses collègues à dire leur mot aux autorités iraniennes pendant la crise des otages de 1979. La Suisse s’occupa ensuite des bons offices entre Washington et Téhéran. Pour le dire simplement: la Suisse montrait souvent la voie avant les autres, avec un certain courage.

Ce n’est plus le cas. Au cœur de l’Union européenne, la Suisse est devenue suiviste. Récemment, avec l’Ukraine, même si le pays a été généreux dans son accueil envers les Ukrainiens, il s’est contenté d’adopter l’essentiel des sanctions et attitudes préconisées par l’Union européenne. Des adaptations qui apparaissent parfois inféodées à la préservation des intérêts économiques du pays.

Dans les rares cas où la Suisse ne s’inscrit pas dans le sillage européen, comme récemment avec la Chine face aux Ouïgours, c’est pour oublier le droit humanitaire. Berne ne prend plus les devants, ne semble plus en mesure de proposer telle ou telle politique humanitaire à ses voisins. Le pays a bel et bien renoncé à être pionnier en ces domaines.

Mais, pire, il apparaît aussi de moins en moins exemplaire, comme le démontre cette motion concernant les femmes afghanes, de surcroît si peu nombreuses, et pour cause, à frapper à notre porte. La question n’est en effet pas de jouer le cœur contre la raison, ou la générosité contre le règlement. Mais bien de reconnaître une horreur, le destin immédiat des Afghanes, et de garder à l’esprit quelques principes humanistes pour leur venir en aide. Certes, il vaut toujours mieux analyser les situations au cas par cas, ne pas accorder de protection collective, cela alors que nos centres d’asile sont déjà pleins.

Le droit d’asile – le parlement ferait cependant bien de s’en souvenir – n’est rien sans le devoir qui l’accompagne, en premier lieu celui de l’honnêteté d’un constat: ce que vivent les Afghanes contrevient à tout ce que défendent ceux qui fêtent cette semaine le 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

QOSHE - Pionnière de l’asile, la Suisse est devenue suiviste - Aïna Skjellaug
menu_open
Columnists Actual . Favourites . Archive
We use cookies to provide some features and experiences in QOSHE

More information  .  Close
Aa Aa Aa
- A +

Pionnière de l’asile, la Suisse est devenue suiviste

30 15
09.12.2023

Dans quelques jours, le parlement fédéral débattra d’une proposition de la droite consistant à accorder moins facilement l’asile aux femmes d’Afghanistan. Les persécutions sans fin, terribles et de tous ordres, dont elles font l’objet de la part des talibans en raison de leur genre ne devraient plus, demandent les motionnaires, suffire à ce qu’elles puissent être considérées comme réfugiées.

Entre Conventions de Genève, CICR et bons offices, le pays porte pourtant si volontiers en sautoir publicitaire son humanisme bien tempéré. Ce qu’il convient cependant de souligner, c’est qu’il fut un temps où il s’agissait pour notre politique extérieure d’être non seulement juste, raisonnable,........

© Le Temps


Get it on Google Play