Comment trouver la force de jeûner quand on meurt presque de faim? Cette terrible question, des milliers d’habitants de la bande de Gaza se la posent en ce début de ramadan. Mois le plus sacré du calendrier lunaire islamique, il invite à se tourner vers Dieu par diverses abstentions volontaires afin de célébrer la révélation du Coran au prophète Mahomet par l’ange Gabriel. Les habitants de ce territoire palestinien pieux seront certainement très nombreux à respecter cette obligation religieuse, qui constitue l’un des cinq piliers de l’islam. Un acte de foi particulièrement fort alors que «cela fait cinq mois [qu’ils jeunent]», comme le relevait avec indignation une mère de cinq enfants dans un témoignage à l’agence Reuters. En l’absence de volonté israélienne, la famine gagne du terrain chaque jour, menaçant 2,2 millions de Palestiniens sur les 2,4 millions d’habitants de Gaza.

Cette privation-là, imposée par la politique, hante tous les esprits de ceux qui y assistent impuissants. Surtout l’esprit des Palestiniens qui vivent hors de Gaza. Et surtout à Jérusalem, car c’est là que les tensions avec les Israéliens sont les plus fortes. Lorsqu’une guerre éclair avait opposé Israël au Hamas en 2021, c’est de la Ville sainte qu’elle était partie. Et en 2023, l’Etat hébreu avait frôlé l’esclandre diplomatique avec le monde arabo-musulman lorsque les Israéliens étaient entrés dans l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa. Troisième lieu saint de l’islam après La Mecque et Médine, elle est un point de ralliement extraordinaire. Si en ce mois de ramadan, les fidèles musulmans ont été autorisés à venir prier dans la même proportion que les années précédentes, les effectifs et le matériel de la police israélienne ont été encore renforcés. «Ne nous cherchez pas», avertissait lundi le ministre de la Défense, Yoav Gallant.

Alors certes, les autorités israéliennes ont de quoi être nerveuses: chaque année, le Hamas et ses alliés capitalisent sur la symbolique du ramadan pour encourager des attaques, et la colère est au plus haut depuis la guerre qui a suivi l’attaque du 7 octobre en Israël. Les divers témoignages montrent cependant que la majorité des Palestiniens adopte avant tout une attitude de sumud. Apparu après la guerre des Six-Jours, ce mot arabe qu’on peut traduire par endurance désigne tous les moyens non violents de résister. Maintenir ses traditions religieuses en jeûnant en est un. Un acte d’autant plus fort quand on a si faim.

QOSHE - A Gaza, un si long ramadan - Aline Jaccottet
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A Gaza, un si long ramadan

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11.03.2024

Comment trouver la force de jeûner quand on meurt presque de faim? Cette terrible question, des milliers d’habitants de la bande de Gaza se la posent en ce début de ramadan. Mois le plus sacré du calendrier lunaire islamique, il invite à se tourner vers Dieu par diverses abstentions volontaires afin de célébrer la révélation du Coran au prophète Mahomet par l’ange Gabriel. Les habitants de ce territoire palestinien pieux seront certainement très nombreux à respecter cette obligation religieuse, qui constitue l’un des cinq piliers de l’islam. Un acte de foi particulièrement fort alors que «cela fait cinq mois [qu’ils........

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