L’année 2023 restera dans les mémoires. Elle marque un échec retentissant: celui du système international élaboré en 1945 pour garantir l’ordre et la paix au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Incapables de freiner l’invasion russe de l’Ukraine ou l’offensive israélienne à Gaza, les Nations unies apparaissent aujourd’hui comme une institution largement obsolète. On l’a encore vu le 22 décembre, lorsque le Conseil de sécurité a dû renoncer à appeler à la fin des frappes israéliennes sous la pression des Etats-Unis. En moins de trois mois, ces bombardements ont pourtant provoqué davantage de morts que l’agression russe de l’Ukraine en presque deux ans. Alors que la faim et le désespoir s’aggravent, le bilan est aujourd’hui de plus de 21 300 victimes, en majorité des femmes et des enfants.

Incriminer la passivité de l’ONU serait pourtant une erreur: les institutions ne font jamais que refléter la pensée de ceux qui les constituent. Si elle se trouve démunie face à deux guerres à l’impact magistral, l’une éprouvant la solidité du front «occidental» face à la Russie, l’autre menaçant tout l’équilibre précaire du Proche-Orient, c’est que les pays qui la forment n’ont plus de vision commune. C’est le résultat de la montée en puissance d’acteurs autrefois relégués au second plan. Depuis quinze ans, la Chine se pose ainsi en alternative aux Etats-Unis, et nombre d’acteurs étatiques tels que l’Inde ou le Brésil revendiquent leur indépendance face à ces deux mastodontes. Le monde multipolarisé né ces dernières années se cherche un chemin, et il ne passe pas forcément par la défense de valeurs que l’«Occident» a contribué à promouvoir, comme le respect des droits humains.

L’année 2024 sera déterminante. Elections russes en mars, indiennes en avril, européennes en juin, américaines en novembre… Dans les douze prochains mois, la moitié des 8 milliards d’humains vivant sur Terre se rendront aux urnes. Changeront-ils le cours des deux guerres de ce début de siècle à Kiev et à Gaza? Washington attire particulièrement les regards: c’est là que tout se fait, pour les Palestiniens comme pour les Ukrainiens. Parce que l’Amérique est puissante. Parce qu’elle affronte un test démocratique dont l’issue pourrait tout changer. Et parce qu’à travers ces deux guerres porteuses de bouleversements bien au-delà de Rafah ou de Kharkiv, le président-candidat Joe Biden joue son héritage sur la scène internationale. Et le devenir du système international né après la Seconde Guerre mondiale, basé sur une vision et des valeurs aujourd’hui profondément remises en question.

QOSHE - De Kiev à Gaza, l’échec d’un «Occident» dépassé - Aline Jaccottet
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De Kiev à Gaza, l’échec d’un «Occident» dépassé

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28.12.2023

L’année 2023 restera dans les mémoires. Elle marque un échec retentissant: celui du système international élaboré en 1945 pour garantir l’ordre et la paix au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Incapables de freiner l’invasion russe de l’Ukraine ou l’offensive israélienne à Gaza, les Nations unies apparaissent aujourd’hui comme une institution largement obsolète. On l’a encore vu le 22 décembre, lorsque le Conseil de sécurité a dû renoncer à appeler à la fin des frappes israéliennes sous la pression des Etats-Unis. En moins de trois mois, ces bombardements ont pourtant provoqué davantage de morts que l’agression russe de l’Ukraine en........

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