Rien, absolument rien, ne garantit le succès de l’alliance Swiss AI dévoilée ce lundi par l’EPFL et l’EPFZ. Cette initiative, basée sur le nouveau supercalculateur Alps, veut créer en Suisse une intelligence artificielle transparente et fiable. Cette ambition sera peut-être laminée par les percées commerciales de Microsoft, Google ou OpenAI. Swiss AI est aussi à la merci de violents basculements technologiques à venir. Ou tout simplement, l’initiative suisse ne rencontrera peut-être qu’un désintérêt poli.

Ces risques sont aussi clairs qu’inévitables. Mais ils ne sont rien par rapport aux bénéfices attendus de cette nouvelle ambition helvétique. Il n’y a peut-être pas de fatalité à utiliser des systèmes d’intelligence artificielle (IA) concoctés dans la plus grande opacité par une poignée d’empires américains du numérique. La technologie, et plus précisément l’IA, est beaucoup trop fondamentale du point de vue sociétal pour être laissée entre de seules mains privées étrangères.

Le 18 octobre dernier, lors d’un événement organisé par l’Académie suisse des sciences techniques, André Kudelski, directeur du groupe du même nom, avait eu ces mots: «On ne se pose pas assez la question, en Suisse, de savoir si l’on veut se positionner comme simples utilisateurs d’une technologie ou comme créateurs de cette technologie.»

C’est exactement de ceci qu’il s’agit aujourd’hui avec l’IA: tenter de prendre notre destin en main en développant des solutions transparentes, basées sur nos valeurs, et avec éthique. Voilà une belle utopie, rétorqueront des esprits défaitistes. Peut-être, répliquerons-nous. Mais, comme le rappelait le professeur Edouard Bugnion lors du même événement, utiliser des solutions technologiques étrangères nous interroge sans cesse sur leur fiabilité, leur compréhension, leur maîtrise et même leur légalité du point de vue suisse.

Alors, répétons-le: la Suisse ne doit plus rester passive. Elle doit développer et explorer des alternatives aux solutions imposées par les géants de la Silicon Valley. Nous avons l’argent. Nous avons les compétences. Et nous commençons, comme le montrent les deux EPF qui dépendent de la Confédération, à avoir la volonté politique. Et il faudra que les autorités acceptent d’investir suffisamment sur la durée.

Et nous pourrions aller plus loin. La Suisse pourrait s’interroger sérieusement sur son utilisation peu mesurée de solutions cloud étrangères. Et elle devrait aussi se demander pourquoi elle utilise massivement, sans vraiment réfléchir, les services d’un Microsoft ou d’un Google.

Sans nul doute, l’ambition est l’une des plus belles qualités.

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Intelligence artificielle: soyons ambitieux

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04.12.2023

Rien, absolument rien, ne garantit le succès de l’alliance Swiss AI dévoilée ce lundi par l’EPFL et l’EPFZ. Cette initiative, basée sur le nouveau supercalculateur Alps, veut créer en Suisse une intelligence artificielle transparente et fiable. Cette ambition sera peut-être laminée par les percées commerciales de Microsoft, Google ou OpenAI. Swiss AI est aussi à la merci de violents basculements technologiques à venir. Ou tout simplement, l’initiative suisse ne rencontrera peut-être qu’un désintérêt poli.

Ces risques sont aussi clairs qu’inévitables. Mais ils ne sont rien par rapport aux bénéfices attendus de cette nouvelle ambition helvétique. Il n’y a peut-être pas........

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