Ils utilisent les stories d’Instagram, protégées de la censure par leur durée de vie de 24 heures. Ils écrivent sur X, ex-Twitter, extrêmement laxiste en matière de propos racistes ou injurieux, sous le couvert de la liberté d’expression. Ils diffusent sur Telegram, réseau moins surveillé, des images et vidéos fabriquées avec de l’intelligence artificielle. Enfin, ils ont appris à propager leurs propos nauséabonds dans nos journaux via les commentaires d’articles pas suffisamment filtrés. Ils, ce sont les antisémites, les auteurs des 944 actes antisémites comptabilisés et documentés par la Cicad dans sonrapport 2023 pour la Suisse romande. Un chiffre en hausse de 68% par rapport à 2022.

Ce rapport est très clair: les réseaux sociaux constituent la plus grande source d’antisémitisme, grâce à leur anonymat sans risque. Or ce fiel percole dans nos vies, gagnant les murs des villes, les cours d’école. On reste sans voix devant les échos des années 1930 devenus tendance et viraux par la grâce d’internet – des «sales juifs» proférés dans la cour de récréation, des mèmes d’Hitler sur des groupes WhatsApp de classe, vraiment?! Un loueur de luges qui arbore une affichette en hébreu pour écarter les juifs de son commerce?! Qu’avons-nous si mal fait pour oublier l’Histoire?

Que la situation ne soit pas meilleure ailleurs – France, Allemagne, Royaume-Uni font le même constat – ne doit pas nous consoler. Ce qui trouble aussi, c’est que selon la Cicad la guerre Israël-Hamas est un déclencheur, un prétexte à un antisémitisme à l’ancienne, «encore très présent dans les mentalités» – critiques physiques, insultes dégradantes, soupçons de duplicité. Insupportable, pas seulement à Davos. L’extrême droite et les négationnistes sont bien au rendez-vous de la haine des juifs, pas seulement les désespérés du Proche-Orient.

Dans les écoles, on fait lire Anne Frank et on enseigne la Shoah. Cela ne suffit manifestement pas, la réalité apparaît en décrochage. «Contre l’antisémitisme, il faut un discours clair, suivi d’actes concrets», écrivait Ignazio Cassis dans nos colonnes il y a quelques semaines. La puissance publique doit se montrer intraitable contre les auteurs d’infractions, contre ceux qui abusent du sanctuaire suisse. Si certes la Confédération ne peut rien faire contre les grands acteurs du Net, elle doit en revanche répliquer en faisant tout son possible ici et maintenant. Nous sommes comptables du récit qui s’écrit aujourd’hui.

QOSHE - Contre la plaie de l’antisémitisme, une intransigeance indispensable - Catherine Frammery
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Contre la plaie de l’antisémitisme, une intransigeance indispensable

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15.02.2024

Ils utilisent les stories d’Instagram, protégées de la censure par leur durée de vie de 24 heures. Ils écrivent sur X, ex-Twitter, extrêmement laxiste en matière de propos racistes ou injurieux, sous le couvert de la liberté d’expression. Ils diffusent sur Telegram, réseau moins surveillé, des images et vidéos fabriquées avec de l’intelligence artificielle. Enfin, ils ont appris à propager leurs propos nauséabonds dans nos journaux via les commentaires d’articles pas suffisamment filtrés. Ils, ce sont les antisémites, les auteurs des 944 actes antisémites comptabilisés et documentés par la Cicad dans sonrapport........

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