Les Iraniennes et les Iraniens, qui élisent leur parlement et l’Assemblée des experts ce vendredi, voteront avec les pieds pour cette première élection depuis le mouvement «Femme, vie, liberté». A la grande colère a succédé une grande fatigue, et la participation promet d’être squelettique. Il n’y aura pas d’autre signe de la déprime de la population: le régime, à qui le mouvement a fait très, très peur, se venge aujourd’hui en réprimant férocement toute forme de contestation. Les élections sont encore plus verrouillées que d’habitude, et l’abstention reste la seule arme visible qui ne vous envoie pas en prison ou au bout d’une corde. Il ne faut pourtant pas s’y tromper. D’innombrables femmes au courage inouï font toujours voler leurs cheveux au vent, l’exode des cerveaux qui prive le pays de ses forces vives continue, et il se dit que les conversions au christianisme se multiplient, malgré le crime d’apostasie.

Les régimes communistes étaient inscrits dans l’espace et dans le temps: on pouvait les juger selon leurs résultats. Or la «satisfaction de Dieu», l'idéal du régime islamique, résidant dans l'au-delà et ne pouvant pas être démentie par les faits, cela le rend idéologiquement invulnérable, explique Ladan Boroumand, l'historienne et militante de droits de l’homme. Le paradoxe veut qu’aucun pays ne soit devenu moins religieux et plus sécularisé que la République islamique d’Iran. Selon un récent sondage commandé par le régime, qui doit quand même connaître la situation, 73% des Iraniens souhaitent que la religion soit séparée de l’Etat. C’est un échec majeur pour le régime. Il ne libère pas les Iraniens pour autant.

La communauté internationale dénonce à raison le régime totalitaire iranien, marchand d’armes, à la manœuvre avec ses «proxys» dans tout le Proche-Orient. Mais les Européens, si prompts à saluer les mânes de Robert Badinter, seraient bien inspirés de défendre sa mémoire dans les faits en se montrant solidaires de la société civile iranienne. A Genève, le Conseil des droits de l’hommedoit entendre mi-mars le rapporteur spécial sur l’Iran, le Pakistanais Javaid Rehman, et la «mission d’établissement des faits sur l’Iran» qui enquête sur les violations des droits de l’homme liées à la mort de Mahsa Jina Amini. Il est crucial que leurs mandats soient prolongés.

Ni les héroïnes et les héros de la rue iranienne, ni la répression ne font plus la une de l’actualité. Mais il ne faut pas oublier les Iraniens.

QOSHE - N’oublions pas les Iraniens - Catherine Frammery
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N’oublions pas les Iraniens

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01.03.2024

Les Iraniennes et les Iraniens, qui élisent leur parlement et l’Assemblée des experts ce vendredi, voteront avec les pieds pour cette première élection depuis le mouvement «Femme, vie, liberté». A la grande colère a succédé une grande fatigue, et la participation promet d’être squelettique. Il n’y aura pas d’autre signe de la déprime de la population: le régime, à qui le mouvement a fait très, très peur, se venge aujourd’hui en réprimant férocement toute forme de contestation. Les élections sont encore plus verrouillées que d’habitude, et l’abstention reste la seule arme visible qui ne vous envoie pas en prison........

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