La semaine dernière, la BNS a créé la surprise en étant la première banque centrale des pays développés à abaisser son taux d’intérêt, et elle a bien fait. L’inflation est revenue en dessous de 2%, qui est le maximum de ce qu’elle considère comme la limite acceptable. Il faudrait une secousse imprévisible pour repasser au-dessus de ce plafond, même si rien ne peut jamais être exclu. Dès lors, maintenir un taux d’intérêt restrictif ne se justifiait plus, d’autant plus qu’il pesait sur la croissance économique, un peu anémique.

Tout le monde, ou presque, pensait que la BNS attendrait que la BCE commence à baisser son taux ou, comme cela arrive souvent, qu’elle ne bougerait que lorsqu’elle serait sûre que la BCE allait le faire. Or la BCE tergiverse. Officiellement, elle attend d’avoir plus de visibilité avant de se déclarer sûre que l’inflation dans la zone revient bien à son objectif de 2%. En fait, comme la Fed, la banque centrale des Etats-Unis, ce que la BCE redoute le plus est une remontée du renchérissement qui l’obligerait à faire repartir son taux d’intérêt à la hausse après l’avoir abaissé. Elle semble vouloir se donner encore un peu de temps, évoquant le mois de juin pour passer à l’action. La BNS considère que ce risque est beaucoup plus faible en Suisse.

Mais elle a pris un autre risque, celui de voir le franc se déprécier par rapport à l’euro. En effet, une baisse des taux d’intérêt suisses peut encourager les investisseurs à vendre leurs actifs en francs pour bénéficier d’une meilleure rémunération sur les investissements en euros ou en dollars. Un tel mouvement provoquerait une dépréciation du franc, qui ferait grimper le coût des importations et pourrait faire repartir l’inflation à la hausse, précisément ce qu’il s’agit d’éviter. Mais la BNS n’est pas démunie dans une telle situation puisqu’elle peut intervenir sur les marchés des changes. Elle possède un montant gigantesque d’euros et de dollars qu’elle peut vendre pour acheter des francs et ainsi raffermir le taux de change.

En fait, c’est peut-être là la meilleure raison pour démarrer avant les autres banques centrales. Pendant une quinzaine d’années, la BNS a accumulé de façon spectaculaire ses réserves de change alors qu’elle s’efforçait de contenir une pression continue à l’appréciation du franc. Ces réserves sont vastement excédentaires et une source de problèmes. La BNS est exposée à des pertes, comme on l’a vu en 2022. Ce trésor suscite la convoitise des cantons et de la Confédération et provoque des critiques sur sa politique d’investissements pas toujours bien verte. La BNS refuse d’entrer en matière sur ces questions mais, depuis deux ans, elle a réduit son stock de réserves de change d’environ un tiers en poussant le franc à la hausse pour contenir l’inflation importée. Si la baisse du taux d’intérêt pousse le franc à la baisse, ça offrira à la BNS une occasion d’intervenir en sens inverse et de continuer ainsi à réduire ses réserves de change, en toute discrétion.

Cela dit, la baisse du taux d’intérêt, de 1,75% à 1,5%, est faible. D’autres baisses vont suivre, mais jusqu’où? Comme toutes les autres banques centrales, la BNS ne souhaite pas se retrouver à un taux zéro, et encore moins négatif. Le potentiel de baisse est donc limité, surtout en comparaison avec les autres banques centrales, puisque le taux de la BCE est de 4% et celui de la Fed de 5,5%. Le premier pas était probablement le plus facile, la suite sera plus délicate.

Au fur et à mesure où les autres banques centrales vont baisser leurs taux d’intérêt, l’écart entre leurs taux et le taux suisse va se resserrer. Le risque est que le franc ne devienne à nouveau attractif, et qu’il s’apprécie. La BNS va alors vouloir contrer cette appréciation et devra intervenir sur les marchés des changes comme au bon vieux temps. Ses réserves vont donc augmenter à nouveau, ce qu’elle ne souhaite pas non plus. Il va lui falloir choisir entre divers maux: baisse plus profonde de son taux d’intérêt, appréciation du franc et, de nouveau, accumulation de réserves. Il n’y pas de meilleure solution et la BNS va devoir naviguer à vue.

QOSHE - Ça y est, le taux d’intérêt commence à baisser - Charles Wyplosz
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Ça y est, le taux d’intérêt commence à baisser

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28.03.2024

La semaine dernière, la BNS a créé la surprise en étant la première banque centrale des pays développés à abaisser son taux d’intérêt, et elle a bien fait. L’inflation est revenue en dessous de 2%, qui est le maximum de ce qu’elle considère comme la limite acceptable. Il faudrait une secousse imprévisible pour repasser au-dessus de ce plafond, même si rien ne peut jamais être exclu. Dès lors, maintenir un taux d’intérêt restrictif ne se justifiait plus, d’autant plus qu’il pesait sur la croissance économique, un peu anémique.

Tout le monde, ou presque, pensait que la BNS attendrait que la BCE commence à baisser son taux ou, comme cela arrive souvent, qu’elle ne bougerait que lorsqu’elle serait sûre que la BCE allait le faire. Or la BCE tergiverse. Officiellement, elle attend d’avoir plus de visibilité avant de se déclarer sûre que l’inflation dans la zone revient bien à son objectif de 2%. En fait, comme la Fed, la banque centrale des Etats-Unis, ce que la BCE redoute le plus est une remontée du renchérissement qui........

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