Il est loin le temps où le Tribunal pénal fédéral, toute jeune institution appelée à trancher des cas de crime organisé et de délinquance financière internationale, attendait avec une certaine impatience que des dossiers emblématiques arrivent en jugement pour justifier son existence aux yeux des plus perplexes. En l’espace de vingt ans, le travail des juges de Bellinzone, comme on les appelle, a pris sa vitesse de croisière et plus personne ne peut sérieusement remettre en cause la centralisation de certaines compétences en mains de la Confédération.

A l’heure de marquer cet anniversaire, force est donc de constater que cette juridiction a trouvé sa place dans le paysage pénal helvétique alors que beaucoup doutaient bruyamment de son utilité. Dans la logique des nouvelles tâches dévolues au parquet fédéral, la création du TPF visait un seul et même objectif: améliorer l’efficacité du système judiciaire suisse dans des domaines où les structures fédéralistes ne sont visiblement pas adaptées.

Cette efficacité n’a certes pas toujours été au rendez-vous. On a vu le procès des prévenus impliqués dans le volet allemand du dossier FIFA – interrompu en raison des restrictions sanitaires après avoir attendu trop longtemps d’être fixé – couler à pic pour cause de prescription. On a aussi appris avec une certaine consternation que ce tribunal était prié d’organiser une retraite avec un spécialiste extérieur pour inculquer à ses membres quelques notions de décence, de courtoisie et de respect mutuel.

Sans oublier le handicap originel qui réside dans sa localisation. Les Chambres fédérales ont pensé que la lutte contre la criminalité internationale pouvait être un cadre indiqué pour faire de la politique régionale, alors que la logique commandait au contraire d’attirer les compétences et d’offrir un accès facile ainsi que des infrastructures adaptées aux acteurs de ces longues audiences. Cet ancrage excentré en aura fait une cour peu prisée des magistrats chevronnés, coûteuse en termes de déplacements et souvent délaissée par les médias.

Tout cela donne au final l’image d’une institution un peu hors sol, une sorte de bocal où germent facilement des querelles et où les juges se montrent souvent insensibles aux défis de certains dossiers sortant de l’ordinaire. Le récent procès pour crimes contre l’humanité de l’ex-ministre gambien Ousman Sonko, mené en allemand sans traduction digne de ce nom à destination des populations touchées par les horreurs et pour lequel les parties plaignantes ont été priées d’abréger leur séjour, est le dernier exemple en date de cette forme de provincialisme. Un comble pour un tribunal dont l’essence est de saisir les problématiques qui dépassent les frontières.

QOSHE - Les forces et faiblesses du Tribunal pénal fédéral - Fati Mansour
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Les forces et faiblesses du Tribunal pénal fédéral

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27.03.2024

Il est loin le temps où le Tribunal pénal fédéral, toute jeune institution appelée à trancher des cas de crime organisé et de délinquance financière internationale, attendait avec une certaine impatience que des dossiers emblématiques arrivent en jugement pour justifier son existence aux yeux des plus perplexes. En l’espace de vingt ans, le travail des juges de Bellinzone, comme on les appelle, a pris sa vitesse de croisière et plus personne ne peut sérieusement remettre en cause la centralisation de certaines compétences en mains de la Confédération.

A l’heure de marquer cet anniversaire, force est donc de constater que cette juridiction a trouvé sa place dans le paysage pénal........

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