Deux ans après la reprise des sanctions européennes contre la Russie, il n’y a plus guère que l’UDC et Moscou pour déclarer que la Suisse n’est plus neutre. Alors que le parti de la droite nationaliste dépose son initiative pour une «neutralité durable, armée et intégrale» inscrite dans la Constitution, il faut bien s’interroger sur le sens d’une démarche non pas destinée à renforcer la sécurité du pays mais à l’isoler un peu plus de ses voisins et principaux partenaires.

Plus neutre, la Suisse? Ce n’est pas ce que constate notre ambassadrice au Conseil de sécurité à New York, Pascale Baeriswyl, qui explique au contraire que la neutralité suisse, après quelques explications, est respectée sinon toujours comprise. Aucun autre pays que la Russie ne la questionne aujourd’hui. Fini les bons offices? Ce n’est pas ce que démontre l’organisation prochaine d’une conférence de paix sur l’Ukraine au Bürgenstock. A en croire Berne, de nombreux Etats, au nord comme au sud, se montrent reconnaissants envers une initiative courageuse même si elle doit encore convaincre.

Cela ne signifie pas qu’un débat sur la neutralité est inutile. C’est d’ailleurs le mérite de l’initiative UDC de questionner son rôle comme instrument opportuniste de notre politique de sécurité ou comme axiome identitaire de la Suisse depuis le XIXe siècle. L’ébauche d’un débat, en 2022, notamment sous l’impulsion d’un Christoph Blocher convoquant plus que jamais les mythes nationaux, a démontré combien cet objet était mal identifié et incompris non seulement à l’étranger, mais en Suisse même. Il y a ce que dit le droit international – qui se résume à la non-participation à un conflit armé – et ce qu’en fait le politique suisse.

Davantage que le déni russe d’une neutralité suisse, ce sont les interrogations européennes sur l’usage de celle-ci qui devraient interpeller. L’interdiction de la réexportation d’armes suisses au bénéfice d’un Etat agressé sous le prétexte de la neutralité a laissé des traces. Elle met en doute la solidarité suisse envers la sécurité collective du continent. Sommes-nous prêts à rompre avec de fausses équidistances qui desservent plus qu’elles ne servent nos intérêts?

Face aux bétonneurs d’une neutralité alpestre ou face à l’arrogance des tenants d’une neutralité messianique, il est temps d’ancrer cet outil dans son siècle et non d’en faire un totem dans un texte fondamental. Ce combat doit encore être mené pour éviter d’enfermer la Suisse dans le passé.

QOSHE - Plus neutre, la Suisse? Il faut répondre à l’UDC (et à Moscou) - Frédéric Koller
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Plus neutre, la Suisse? Il faut répondre à l’UDC (et à Moscou)

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11.04.2024

Deux ans après la reprise des sanctions européennes contre la Russie, il n’y a plus guère que l’UDC et Moscou pour déclarer que la Suisse n’est plus neutre. Alors que le parti de la droite nationaliste dépose son initiative pour une «neutralité durable, armée et intégrale» inscrite dans la Constitution, il faut bien s’interroger sur le sens d’une démarche non pas destinée à renforcer la sécurité du pays mais à l’isoler un peu plus de ses voisins et principaux partenaires.

Plus neutre, la Suisse? Ce n’est pas ce que constate notre ambassadrice au Conseil de sécurité à New York, Pascale Baeriswyl, qui explique au........

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