Sur le terrain militaire, c’est l’impasse. Mais quelle impasse? Celle d’une action défensive de l’Ukraine pour recouvrer sa souveraineté dont on peine à voir les progrès? Ou celle d’une agression de la Russie qui, loin de se contenter de ses conquêtes, se renforce sur le flanc est de l’Ukraine? Dans cette guerre-là, rien n’est encore joué. Après bientôt deux ans d’une confrontation totale, le courage des troupes ukrainiennes face au déferlement de soldats russes envoyés au massacre pour percer leurs lignes est intact. Nul ne peut prédire à ce stade qui sera en meilleure posture pour imposer les conditions d’une paix durable.

Sur le plan politique, par contre, la situation se dégrade de jour en jour pour l’Ukraine. Kiev était déjà à court d’argent, de munitions et d’hommes pour combattre. Aujourd’hui, ce sont ses soutiens diplomatiques qui vacillent alors que Moscou se renforce sur la scène internationale, comme en témoigne le déplacement de Vladimir Poutine en Arabie saoudite. Après la démonstration d’unité des Occidentaux derrière l’Ukraine et la condamnation presque universelle de l’agression russe, l’usure, l’abandon et les lâchetés nourrissent le redressement du chef du Kremlin et l’affaiblissement des autorités ukrainiennes.

Aux Etats-Unis, les républicains unis derrière Donald Trump sont décidés à stopper l’aide à Kiev. Le blocage n’est pas insurmontable, mais le renoncement de Volodymyr Zelensky à s’exprimer devant le Sénat indique bien l’ampleur du doute qui s’est emparé de Washington. En Europe, le tableau est plus sombre encore. Après l’humiliante tribune offerte à Sergueï Lavrov la semaine dernière au sommet de l’OSCE, le processus d’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne est sérieusement menacé par Viktor Orban, l’allié indéfectible de Poutine.

Le déficit de solidarité pour assurer la sécurité collective du continent face au néo-impérialisme russe devient patent. Les munitions, les blindés et les avions promis à l’Ukraine ne sont pas livrés en nombre et en heure. Il aura fallu dix-huit mois de contorsions pour voir la Suisse céder quelques chars à l’Allemagne pour solde de toute contribution défensive, sous le prétexte d’une fausse neutralité.

La paix aura pourtant un goût très différent pour nos démocraties selon le vainqueur d’un combat qui se joue autant sur le terrain de la volonté politique que sur celui des capacités militaires. Abandonner l’Ukraine à son sort au nom d’un certain «réalisme» n’évitera pas le prolongement de l’agression russe mais précipitera un conflit plus général à nos frontières. Veut-on vraiment offrir cette victoire à Poutine? Il n’est pas trop tard pour un sursaut des démocraties. Il est urgent de redonner des signaux en ce sens aux Ukrainiens.

QOSHE - Veut-on vraiment offrir la victoire à Poutine? - Frédéric Koller
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Veut-on vraiment offrir la victoire à Poutine?

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06.12.2023

Sur le terrain militaire, c’est l’impasse. Mais quelle impasse? Celle d’une action défensive de l’Ukraine pour recouvrer sa souveraineté dont on peine à voir les progrès? Ou celle d’une agression de la Russie qui, loin de se contenter de ses conquêtes, se renforce sur le flanc est de l’Ukraine? Dans cette guerre-là, rien n’est encore joué. Après bientôt deux ans d’une confrontation totale, le courage des troupes ukrainiennes face au déferlement de soldats russes envoyés au massacre pour percer leurs lignes est intact. Nul ne peut prédire à ce stade qui sera en meilleure posture pour imposer les conditions d’une paix durable.

Sur le plan politique, par contre, la situation se dégrade........

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