«Le Temps» publie à intervalles irréguliers sur son édition papier et en ligne une sélection des courriers que vous nous écrivez.

Et vous, qu'est-ce qui vous a récemment fait réagir?

Hyperlien@letemps.ch

Bénédicte Amsellem-Ossipow, Genève

Grande admiratrice du combat des femmes pour l’égalité de droit et de fait entre hommes et femmes, je suis choquée de ce qui s’est passé, y compris à Genève et à Lausanne, à l’égard de femmes juives lors des manifestations du 8 mars. A Lausanne la police a dû leur conseiller de quitter les lieux pour leur protection… A Genève, les femmes juives étaient mal à l’aise et faisaient profil bas.

Or cela arrive alors que le rapport de l’ONU confirme les viols de femmes israéliennes le 7 octobre ainsi que ceux d’otages, et donc probablement encore à l’heure où j’écris ces lignes. Ces femmes seraient-elles indignes de la dignité et de la protection des droits humains fondamentaux? Faire entendre leur voix suffirait-il à justifier des menaces au nom de la Palestine? Si le combat de la gauche accepte cela, c’est une défaite morale sans nom et la perte de sa crédibilité.

Les articles que nous avons consacrés aux familles en Suisse des otages israéliens vous ont fait beaucoup réagir.

Myriam C., Lausanne

«Je tiens à vous remercier pour vos articles parus dans Le Temps d’aujourd’hui.
Vous avez eu le courage de prendre la plume à contre-courant des lignes éditoriales en cours auprès de la majeure partie de la presse en Suisse et ailleurs. Cela est remarquable.»

Philippe Rochat, Grandson (VD)

«A temps et à contretemps, privilégier l’humain. Les humains ont un visage, un cœur, une intelligence, une voix. Quand ceux-ci, qui qu’ils soient, d’où qu’ils viennent, sont labourés par la souffrance et les larmes, le reconnaître, le faire connaître est vital; pour eux, et tout autant pour nous.
Parmi tous les aspects du journalisme, c’est peut-être le plus fondamental. C’est aussi le plus exposé, voire le plus dangereux, celui où métier et vocation se rejoignent.
Il est des circonstances où la parole est vie, le silence lâcheté. Vous choisissez la vie.
Je vous dis ma solidarité totale, sans réserve. MERCI, Aïna Skjellaug!

Joël Guélat, Biel/Bienne (BE)

Monsieur Nordmann, dans sa chronique parue dans Le Temps (20.03.2024), déclare que certains pays «veulent remplacer le système démocratique fondé sur le respect du droit international par l’autoritarisme».

Cette vision «noir ou blanc» ou «bad guys vs. good guys» du monde me paraît totalement irréaliste. Si le respect des droits humains et la justice dans les quatre pays mentionnés – Russie, Chine, Iran et Corée du Nord – est un instrument politique qui ne donne aucune garantie, il est important de mentionner que les pays occidentaux, de tout temps, ne respectent le droit international et les valeurs que lorsque cela les arrange. Sans vouloir entrer dans le détail, on peut se remémorer les tragiques colonisations et l’esclavage, qui ont laissé des séquelles indélébiles comme le montre l’exemple actuel d’Haïti.

On prend souvent les Etats-Unis comme un modèle de démocratie. Permettez-moi d’en douter. Ce pays a massacré une grande partie de sa population indigène, a soutenu des coups d’Etat contre des dirigeants élus démocratiquement et a ainsi soutenu des dictatures militaires très meurtrières. Les Etats-Unis ont aussi envahi des pays tels l’Irak et l’Afghanistan sur la base de mensonges ou pour défendre leurs intérêts et cela au mépris des intérêts des populations locales. Encore aujourd’hui, comment justifier le blocus économique et commercial des Etats-Unis contre Cuba depuis 1960? Chaque année, l’Assemblée générale de l’ONU vote une résolution demandant d’abandonner cet embargo. En 2023, 187 Etats ont voté cette résolution. Seuls les Etats-Unis et Israël ont voté contre.

Que penser aussi du système électoral des Etats-Unis? Dans la plupart des Etats, c’est le système majoritaire qui prévaut. Lorsqu’un parti arrive en tête, tous ses candidats (grands électeurs) sont élus. C’est la règle du «winner-takes-all». Ainsi, seuls les deux grands partis historiques peuvent gagner une élection, et, pour certains Etats, l’issue est courue d’avance, car ils sont historiquement ancrés dans la mouvance d’un parti. Au Capitole, seuls deux partis sont face à face, ce qui est plus facile pour trouver un compromis que de devoir composer avec une ribambelle de petits partis. Mais cela ne s’apparente-t-il pas à une sorte de dictature?

Quant à nous, Européens et Suisses, nous ne sommes pas toujours cohérents dans l’application des droits humains. Nous n’avons aucun scrupule à faire du commerce avec des régimes autoritaires et qui abusent des droits humains et fermons volontiers les yeux si nous pouvons exporter notre production et acheter des marchandises à moindre coût, car si nous prenions des sanctions de manière isolée, nous nous retrouverions aussi isolés et notre standard de vie en souffrirait. En conclusion, nous devrions montrer plus de courage dans l’application des droits humains et du droit international tout en continuant à critiquer la manière de fonctionner des pays qui nous font peur et de ceux qui se disent démocratiques.

Renaud Gautier, Genève

Avec la pertinence et l’aimable méchanceté qui vous caractérise, vous avez avec justesse évoqué la saga d’une grande famille américaine dans votre chronique (LT du 16.03.2024). Fallait-il comparer une famille genevoise à celle-ci? A la forme certainement, au fond peut-être pas; ce n’est pas faire justice aux Kennedy…

A travers cette absence de filtre, vous ne faites, malheureusement, qu’effleurer cette institution genevoise, maintenant bien établie, qu’est le «renvoi d’ascenseur». J’eusse aimé que vous vous attardiez un peu plus non seulement sur la famille évoquée, mais, plus largement, sur la petite coterie, la plupart du temps parfaitement incompétente, mais qui «gravite» dans le bon parti, au moment de la distribution des récompenses, les nominations dans les conseils hypertrophiés des entités para-étatiques.

Il est loin le temps où l’excellent David Hiler avait décidé de revoir la gouvernance de ces entités. Son projet, qui s’approchait nettement plus des standards actuellement requis pour les nominations, n’avait, évidemment, que peu plu aux députés (on ne mord pas la main qui vous nourrit) ni non plus aux citoyens, probablement trop sensibles aux arguments des partis.

Peut-être aurez-vous envie, un jour, de passer votre absence de filtre sur ce vivier de copains généralement peu au fait de la réalité du monde, des contraintes et de l’indépendance que ces postes demandent. Contrairement à ce que pensent certaines familles…

Pierre-Yves Maillard, le jour de la votation. Berne, 3 mars 2024. — © PETER SCHNEIDER / keystone-sda.ch

Bernard Walther, Villeret (BE)

Je souhaite apporter une mise au point suite au texte de Marie-Hélène Miauton intitulé «13e rente, la victoire du populisme de gauche» paru aujourd’hui 10 mars sur votre site.

Mme Miauton écrit: «Pourtant, Daniel Lampart, économiste à l’USS,l’a affirmé: «La 13e rente va coûter quelque chose, mais vous n’allez pas le remarquer.» Selon lui, 4 milliards annuels, soit presque 500 francs par tête d’habitant, ce serait indolore! Quel culot, quelle démagogie!»

Je pense au contraire que c’est elle qui use de démagogie: qui va payer 500 francs par an et donc environ 42 francs par mois? Au taux annoncé de 0,4%, ce sera quelqu’un qui gagne 125 000 francs par an et donc plus de 10 000 francs par mois… Et là, on peut être facilement d’accord avec les syndicats: on y sera à peine sensible! Je rappelle aussi que le salaire médian en Suisse est d’environ 6100 francs par mois et par conséquent la moitié des salariés paieront un supplément de moins de 25 francs par mois! Sans oublier non plus que la très grande majorité des travailleurs recevront à la retraite bien plus que ce qu’ils auront payé!

En disant «500 francs par tête d’habitant», Mme Miauton essaie d’effrayer en suggérant par exemple qu’une famille de 4 personnes va devoir se passer de 2000 francs quel que soit son revenu! Ce n’est pas honnête. Je note qu’elle rejoint ainsi Philippe Nantermod qui a affirmé tout aussi démagogiquement: «Le calcul est simple: en moyenne, toute personne qui travaille dans notre pays paiera 1000 francs chaque année en plus.» (LT du 06.02.2024). Or il faut gagner 250 000 francs pour arriver au montant de 1000 francs avec le taux de 0,4% ! Ça n’arrivera donc pas à toute personne qui travaille!

Peut-être que c’est ça le populisme de droite, défendre les personnes à hauts revenus en faisant peur à celles qui sont au bas de l’échelle?

Dr Paul Vanderbroeck, Genève

En réaction à la chronique de Marie-Hélène Miauton («Guerre ou paix en Ukraine», LT du 01.03.2024).

Mme Miauton préfère comparer la guerre en Ukraine à la Première Guerre mondiale plutôt qu’aux années 1930, ce qui est militairement correct, mais géopolitiquement faux. Politiquement, la comparaison avec la situation autour des Accords de Munich en 1938 a plus de sens. Mme Miauton laisse les Accords de Minsk (2014), que nous pouvons considérer comme un «Munich bis», de côté. Avec ces Accords, la mainmise par M. Poutine sur le Donbass d’abord et sur la Crimée ensuite a été acceptée de fait par le monde occidental avec Mme Merkel dans le rôle de M. Chamberlain. Tout comme le premier «Munich» de 1938 a accordé l’annexion de l’Autriche et des Sudètes à Hitler. Après Minsk, Poutine a attaqué l’Ukraine en 2022, comme Hitler l’a fait avec la Tchécoslovaquie en 1939. De plus, Munich 1938 a donné la voie libre à l’URSS pour s’emparer impunément des morceaux de la Pologne et de la Finlande ainsi que les pays baltes en 1939-1940.

Des accords de paix forcés à l’Ukraine ne seraient donc pas un deuxième mais plutôt un troisième «Munich». Hormis stimuler l’appétit de la Russie pour ses pays voisins, ce troisième «Munich» signifierait une invitation pour toute autre autocratie d’attaquer un pays voisin. Les autocraties n’aiment pas les voisins libres et démocratiques. Soit ils les séparent avec un mur, soit ils tentent de les soumettre. Mieux vaut les en empêcher.

Certes, comme le dit Mme Miauton, il faudra penser l’après-guerre. Il serait en effet hasardeux de mettre la Russie à genoux, car le traité étranglant de Versailles, imposé à l’Allemagne vaincue en 1919, a fait naître le revanchisme dont Hitler a pu profiter. Or, depuis 1945, l’Allemagne de l’Ouest ainsi que le Japon ont bénéficié d’un autre traitement. Indéniablement, cela a été une réussite. Ceci aussi devrait démontrer que l’on peut apprendre de ses erreurs, sur la façon d’éviter une grande guerre ou sur celle de gagner la paix.

Edith Herzog, Préverenges (VD)

Le titre de la chronique de Mme Miauton me paraît excellent car on aurait pu l’appliquer à l’Europe dès les prémices de sa construction après la fin de la Deuxième Guerre mondiale ou en tout cas à la chute du mur de Berlin.

En effet, une fois le Pacte de Varsovie dissous, l’OTAN devait disparaître… mais… se maintint, englobant progressivement tous les pays européens occidentaux et très vite les pays de l’Est qui le souhaitaient et ce sans se soucier de la susceptibilité russe, allant même jusqu’à y installer des bases antimissiles contrairement aux promesses qui leur avait été faites, etc., etc. Et là, il serait bon de rappeler à ceux qui l’auraient oublié que, en 1962, ces mêmes Américains ont refusé l’installation d’une base de missiles à Cuba sous prétexte que cette base était beaucoup trop proche de leur territoire. Les Russes ont accepté…

Donc, pour en venir à Mme Miauton et à son éventuel antiaméricanisme, ce qui l’agace profondément, ce n’est pas toute la politique américaine mais plutôt le fait que jamais les Américains n’ont eu à subir de sanctions d’aucune sorte malgré toutes les horreurs qu’ils ont eux aussi perpétrées (Hiroshima, Nagasaki, les Philippines, la Corée, le Vietnam, l’Irak, l’Amérique du Sud, autres coups d’Etat, etc.) violant le droit international en de multiples circonstances, notamment en décrétant des embargos contraires à ce même droit, de même que les sanctions d’ailleurs. Ce deux poids, deux mesures semble contraire à son idée d’une certaine justice ou équité.

Donc oui, si l’Europe s’était constituée en une véritable force politique et militaire en s’émancipant de la tutelle américaine, la face du monde en aurait peut-être été modifiée car elle aurait bien dû construire un dialogue réel avec la Russie d’alors (toute proche) qui ne demandait qu’à être respectée et non pas considérée comme une nation vaincue. Peut-être qu’en préparant la guerre, elle aurait pu accroître les chances de paix. A ce propos, relire l’article de Daniel Warner paru le 27 mars 2014 dans votre journalainsi que celui de Gabriel Galice du 3 février 2015. Une troisième grande force aurait pu équilibrer ce monde beaucoup trop radicalisé.

Donc oui, l’Europe a loupé le coche et je lui appliquerais volontiers ce titre, mais par contre pas à la Suisse qui se doit de rester une force diplomatique au service de la paix dans le monde, même si elle peut décider de s’armer un peu plus…

Thomas Süssli. Berne, juin 2021. — © Alessandro della Valle/Keystone

Yves Pillard, Auvernier (NE)

Votre éditorial du 28 février titrait: «Süssli, ni l’art ni la manière». J’ai envie d’ajouter «ni le français». Alors qu’on demande volontiers une maîtrise du «durch, gegen, ohne, um, accusatif» aux fonctionnaires romands, le chef de l’armée ne s’exprime qu’en allemand.

Avoir un haut responsable qui a besoin d’une traduction simultanée au 19h30 pour répondre aux questions de Philippe Revaz est inadmissible! La maîtrise des langues nationales devrait être une condition sine qua non pour de tels postes. Déjà que la perception de l’armée laisse à désirer en Romandie, c’est maladroit et méprisant d’informer de la sorte. A moins que les communicants de Johann Schneider-Ammann aient été recyclés au DDPS – le rire, c’est bon pour la santé.

On demande du courage à nos militaires, y compris celui de s’exprimer dans un autre idiome national. Dès lors, offrons-leur des cours de langue obligatoires. Pourquoi ne pas y consacrer une partie du budget des chars Leopard que l’on n’exporte pas en Allemagne – Deutschland?

Yves Sandoz, professeur honoraire de droit international humanitaire

«La CEDH nuit-elle à la démocratie?» se demande dans sa chronique Mme Miauton (LT du 23.02.2024).

Rappelons que ce sont le harcèlement des Juifs en Allemagne, puis l’horreur absolue de la solution finale qui ont fait entrer les droits de l’homme dans la sphère du droit international. Ce que l’on commençait à appeler la «communauté internationale» ne pouvait plus tolérer de tels abus de l’un de ses Etats membres, fussent-ils soutenus par le peuple, qui n’a pas toujours démontré à cet égard la sagesse qu’on aime lui prêter.

La Déclaration universelle des droits de l’homme, les Pactes de l’ONU et les Conventions régionales, puis les Conventions sur les réfugiés, ne veulent certainement pas nuire à la démocratie, mais l’encadrer. On n’a plus le droit de harceler, ostraciser, ou même laisser massacrer les membres de minorités, ni même de renvoyer les femmes courageuses qui ont défié les talibans en Afghanistan ou les ayatollahs en Iran, comme toutes celles et ceux à qui seront réservés l’internement, la torture ou la mort à leur retour. Faut-il le regretter?

Prétendre par ailleurs que toutes les juridictions sont «alignées» sur la CEDH est bien outrancier. La Convention européenne fixe un cadre dont on ne doit pas sortir, mais seule une infime minorité de textes frôlent le cadre. Et si l’on peut critiquer certaines des décisions de la CEDH, comme celles de toute instance judiciaire, cela ne saurait remettre en cause le principe de juridictions indépendantes pour interpréter et faire appliquer les lois.

Alors que des pays pseudo-démocratiques toujours plus nombreux remettent en question les droits de l’homme et les obligations qui en découlent, il est essentiel que notre pays, plutôt que de chercher des poux à la CEDH, reste dans le clan des ardents défenseurs de ces droits. Cela d’autant plus face au gigantesque chantier de l’immigration, dont on doit tous reconnaître avec humilité l’extrême difficulté.

Georges Haour, professeur à l’IMD, Paris

Le Sénat américain tergiverse en se dirigeant peut-être vers un arrêt de l’aide à l’Ukraine. Cela souligne la fragilité du rôle protecteur des Etats Unis, jugé si importante par des pays comme la Pologne ou les Etats baltes.

Face à cette situation, l’Europe doit se préparer à ne plus être sous protectorat américain et investir dans une défense européenne. Le temps presse. Pour ce faire, il a été évoqué le principe de lancer un emprunt. Je précise que cet emprunt pourrait être émis soit par la Commission européenne – eurobonds – , soit par un groupe de pays, probablement la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et les pays nordiques; la Grande-Bretagne devrait aussi en faire partie. Les fonds levés seraient utilisés pour amplifier la production de l’industrie européenne de défense, à destination de l’Ukraine et des pays européens. Ces derniers achèteraient alors beaucoup plus en Europe qu’aux Etats Unis. Une alternative serait de lever un «impôt citoyen», comme celui qu’ont payé les Allemands de l’Ouest pendant trente ans après la réunification. Les Français seraient sans doute peu enthousiastes quant à une telle solution!

L’Ukraine paie le très lourd tribut du sang pour survivre, mais aussi pour défendre les valeurs européennes: liberté, respect de la vie et refus de la peine de mort, Etat de droit et séparation des pouvoirs, ainsi qu’une préférence têtue pour la négociation plutôt que l’affrontement.

Cela nous amène aux très importantes élections européennes du 9 juin 2024. Il est crucial que les électeurs de l’UE votent et choisissent la liste qui défendra le mieux ces valeurs européennes, en continuant sagement à construire une Europe puissance, qui, face à la Chine, l’Inde et l’Amérique du Nord, aura la taille pour exister seule dans un monde brutal. L’Europe a tous les atouts pour brillamment réussir, si elle le veut… Mais si l’Ukraine est défaite, l’avenir de l’Europe, Suisse comprise, s’assombrira tragiquement.

L'entrée du cinéma Capitole après rénovation et agrandissement. Lausanne, 24 février 2024. — © LAURENT GILLIERON / keystone-sda.ch

Pierre-Philippe Lob, Cheseaux-sur-Lausanne (VD)

Je me suis rendu aux portes ouvertes du Capitole le week-end dernier; un lieu rénové à nouveau magnifique, mais…

Quelle ne fut pas ma stupeur, en lisant le nouveau programme, de voir les nouveaux tarifs appliqués maintenant: prix des places cher (plein tarif à 15 fr.), abonnements ayant plus que fortement augmenté (carte de 20 places passant de 120 fr. l’an dernier à 200 fr. maintenant, soit une augmentation de 60%!)!

Est-ce cela la conception du partage du cinéma? Pour les nantis sûrement, mais pour les jeunes ou les retraités, on s’approche, égale, voire dépasse les tarifs des cartes ou abonnements des salles privées.

Quelle institution ou politique a décidé de ces nouveaux tarifs? La Cinémathèque? La ville de Lausanne (afin d’amortir comme tout bon capitaliste les frais de rénovation)?

Je pense surtout que ces tarifs vont malheureusement éloigner les amateurs du 7e art comme moi, car ces prix, pour une institution culturelle, sont indécents.

Espérons que ma réflexion poussera la Cinémathèque à revoir ses tarifs à la baisse, pour que ce lieu, comme précédemment à Montbenon, devienne populaire.

Azar Tahbazian, Genève

Le 8 février dernier, les passagers d’un train ont été pris en otage. Que ces heures ont dû être longues… Je suis profondément navrée de ce qu’ils ont eu à vivre.

Voyez-vous, cette histoire me touche… En tant qu’être humain, en tant qu’Iranienne, en tant que Genevoise. Je suis binationale, en Suisse depuis 1977, et régulièrement une claque me rappelle que je serai toujours une étrangère.

J’étais venue ici pour étudier puis rentrer chez moi, la révolution de 1979 en a décidé autrement et Genève est devenue ma ville. Cette précision me semble utile car je n’ai pas vécu les situations décrites plus loin.

J’ai beaucoup lu ces derniers jours sur ce bien triste événement… Les articles bien sûr, mais aussi les commentaires sur les réseaux sociaux: «Un de moins… 1-0… On a fait les poubelles…» Comment peut-on dire de telles horreurs? Qu’auraient-ils dit s’il s’agissait d’un citoyen suisse? Il faut être un monstre pour écrire de tels mots, bien planqué derrière son écran.

Dans ce cas précis, il s’agit d’un problème psychologique. Ce n’est pas une question de nationalité ou de permis de séjour, allez ranger votre haine. Et la police a fait ce qu’elle avait à faire, aucun doute là-dessus. Qu’on arrête de dire qu’ils auraient pu faire autrement.

Si ces petits esprits étriqués pensent qu’il est facile de quitter son pays, sa terre, sa famille, son histoire, eh bien ils se trompent lourdement. S’ils pensent qu’il est aisé d’être dans un camp en attente d’une décision, sans pouvoir construire une vie, eh bien ils se trompent vraiment. S’ils pensent que c’est facile d’accepter une décision de renvoi après plusieurs années, alors que vos enfants considèrent qu’ils sont d’ici, eh bien ils se trompent encore.

Non, tout le monde n’est pas ici pour profiter. Beaucoup souhaitent et espèrent un nouveau départ. Sauf qu’en plus d’être long, le système actuel ne fait qu’attiser la haine envers l’autre… Avoir une double nationalité est un privilège car on est riche d’une double culture. Le revers de la médaille est qu’on ne se sent jamais chez soi nulle part: ici, je reste une étrangère, et là-bas, je suis devenue étrangère.

Quant à ceux qui crachent sans cesse sur l’étranger, qu’ils retournent à leur misérable vie. La haine n’a pas sa place dans un pays de paix.

QOSHE - Vous nous avez écrit sur… les répercussions en Suisse de la crise à Gaza, le chef de l’armée, les populistes… - Le Temps
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Vous nous avez écrit sur… les répercussions en Suisse de la crise à Gaza, le chef de l’armée, les populistes…

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29.03.2024

«Le Temps» publie à intervalles irréguliers sur son édition papier et en ligne une sélection des courriers que vous nous écrivez.

Et vous, qu'est-ce qui vous a récemment fait réagir?

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Bénédicte Amsellem-Ossipow, Genève

Grande admiratrice du combat des femmes pour l’égalité de droit et de fait entre hommes et femmes, je suis choquée de ce qui s’est passé, y compris à Genève et à Lausanne, à l’égard de femmes juives lors des manifestations du 8 mars. A Lausanne la police a dû leur conseiller de quitter les lieux pour leur protection… A Genève, les femmes juives étaient mal à l’aise et faisaient profil bas.

Or cela arrive alors que le rapport de l’ONU confirme les viols de femmes israéliennes le 7 octobre ainsi que ceux d’otages, et donc probablement encore à l’heure où j’écris ces lignes. Ces femmes seraient-elles indignes de la dignité et de la protection des droits humains fondamentaux? Faire entendre leur voix suffirait-il à justifier des menaces au nom de la Palestine? Si le combat de la gauche accepte cela, c’est une défaite morale sans nom et la perte de sa crédibilité.

Les articles que nous avons consacrés aux familles en Suisse des otages israéliens vous ont fait beaucoup réagir.

Myriam C., Lausanne

«Je tiens à vous remercier pour vos articles parus dans Le Temps d’aujourd’hui.
Vous avez eu le courage de prendre la plume à contre-courant des lignes éditoriales en cours auprès de la majeure partie de la presse en Suisse et ailleurs. Cela est remarquable.»

Philippe Rochat, Grandson (VD)

«A temps et à contretemps, privilégier l’humain. Les humains ont un visage, un cœur, une intelligence, une voix. Quand ceux-ci, qui qu’ils soient, d’où qu’ils viennent, sont labourés par la souffrance et les larmes, le reconnaître, le faire connaître est vital; pour eux, et tout autant pour nous.
Parmi tous les aspects du journalisme, c’est peut-être le plus fondamental. C’est aussi le plus exposé, voire le plus dangereux, celui où métier et vocation se rejoignent.
Il est des circonstances où la parole est vie, le silence lâcheté. Vous choisissez la vie.
Je vous dis ma solidarité totale, sans réserve. MERCI, Aïna Skjellaug!

Joël Guélat, Biel/Bienne (BE)

Monsieur Nordmann, dans sa chronique parue dans Le Temps (20.03.2024), déclare que certains pays «veulent remplacer le système démocratique fondé sur le respect du droit international par l’autoritarisme».

Cette vision «noir ou blanc» ou «bad guys vs. good guys» du monde me paraît totalement irréaliste. Si le respect des droits humains et la justice dans les quatre pays mentionnés – Russie, Chine, Iran et Corée du Nord – est un instrument politique qui ne donne aucune garantie, il est important de mentionner que les pays occidentaux, de tout temps, ne respectent le droit international et les valeurs que lorsque cela les arrange. Sans vouloir entrer dans le détail, on peut se remémorer les tragiques colonisations et l’esclavage, qui ont laissé des séquelles indélébiles comme le montre l’exemple actuel d’Haïti.

On prend souvent les Etats-Unis comme un modèle de démocratie. Permettez-moi d’en douter. Ce pays a massacré une grande partie de sa population indigène, a soutenu des coups d’Etat contre des dirigeants élus démocratiquement et a ainsi soutenu des dictatures militaires très meurtrières. Les Etats-Unis ont aussi envahi des pays tels l’Irak et l’Afghanistan sur la base de mensonges ou pour défendre leurs intérêts et cela au mépris des intérêts des populations locales. Encore aujourd’hui, comment justifier le blocus économique et commercial des Etats-Unis contre Cuba depuis 1960? Chaque année, l’Assemblée générale de l’ONU vote une résolution demandant d’abandonner cet embargo. En 2023, 187 Etats ont voté cette résolution. Seuls les Etats-Unis et Israël ont voté contre.

Que penser aussi du système électoral des Etats-Unis? Dans la plupart des Etats, c’est le système majoritaire qui prévaut. Lorsqu’un parti arrive en tête, tous ses candidats (grands électeurs) sont élus. C’est la règle du «winner-takes-all». Ainsi, seuls les deux grands partis historiques peuvent gagner une élection, et, pour certains Etats, l’issue est courue d’avance, car ils sont historiquement ancrés dans la mouvance d’un parti. Au Capitole, seuls deux partis sont face à face, ce qui est plus facile pour trouver un compromis que de devoir composer avec une ribambelle de petits partis. Mais cela ne s’apparente-t-il pas à une sorte de dictature?

Quant à nous, Européens et Suisses, nous ne sommes pas toujours cohérents dans l’application des droits humains. Nous n’avons aucun scrupule à faire du commerce avec des régimes autoritaires et qui abusent des droits humains et fermons volontiers les yeux si nous pouvons exporter notre production et acheter des marchandises à moindre coût, car si nous prenions des sanctions de manière isolée, nous nous retrouverions aussi isolés et notre standard de vie en souffrirait. En conclusion, nous devrions montrer plus de courage dans l’application des droits humains et du droit international tout en continuant à critiquer la manière de fonctionner des pays qui nous font peur et de ceux qui se disent démocratiques.

Renaud Gautier, Genève

Avec la pertinence et l’aimable méchanceté qui vous caractérise, vous avez avec justesse évoqué la saga d’une grande famille américaine dans votre chronique (LT du 16.03.2024). Fallait-il comparer une famille genevoise à celle-ci? A la forme........

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