La directrice des éditions Labor et Fides à Genève décoiffe par un franc-parler chaleureux et inspirant. Pour parler du sens de Noël aujourd’hui, de la violence, de la polarisation de nos sociétés, de la beauté malgré tout, nous lui avons donné carte blanche pour une série d’articles et d’invités.

Surtout ne pas gâcher la fête, cette parenthèse qui permet de respirer, de se refaire, comme une trêve dans le feu des jours. Même si on n’est pas dupe de la course à obstacles qu’il faut franchir pour arriver au Réveillon à peu près entier entre le casse-tête des invitations, les arrangements familiaux pour ne froisser personne, les achats dans la cohue en se promettant de s’y prendre plus tôt l’année prochaine, les menus, le stress des cadeaux alors que l’on claironne que «cette année, vraiment, ce n’est pas nécessaire sauf pour les enfants». Soucis de riches qui se sont pourtant voués à la sobriété, les yeux rivés sur Dubaï et la COP28. Noël comme un concentré de nos inconséquences?

Dans le tourbillon des préparatifs, dans la chaleur des retrouvailles familiales, dans le calme de l’après, tant attendu, rêvé, idéalisé même, une question, oui, lancinante, comme une note tenue, chuchotée: que fêtons-nous au juste? Et ce d’autant que la violence infecte des guerres qui tonnent en ce moment même, les millions de déplacés, l’ivresse morbide du plus fort orchestrent une fin d’année plus sombre que la nuit.

Pour nous aider à préserver la flamme, à ne pas céder à l’accablement, à revigorer le sens de la fête, nous sommes allés à la rencontre de Marion Muller-Colard. Née à Marseille, installée en Alsace, elle est devenue, en 2022, la directrice de Labor et Fides, la plus importante maison d’édition protestante de langue française, basée à Genève. Ecrivaine avant tout, docteure en théologie, elle est l’auteure d’essais inspirants qui parlent à tous et toutes, croyants ou pas. Depuis une dizaine d’années, sa voix, libre, critique, porte bien au-delà des cercles spécialisés.

Nous lui avons donné carte blanche pour élaborer des pages spéciales, reflets de ses inspirations, de ses lectures, de ses coups de cœur. Elle observe, nous dit-elle, combien nos sociétés, libérées du joug religieux, s’acharnent pourtant à maintenir ce qu’elle appelle «les réflexes religieux», ce confort psychique d’être du côté du bien contre le mal, d’appartenir au groupe, de faire corps, d’opter pour la certitude, de tourner le dos au doute. Une attitude à l’œuvre selon elle aussi bien en politique, en science, comme dans certains mouvements militants. Elle détaille un art de la souplesse qui ferait place à l’altérité.

Et Noël? «C’est le surgissement de la vie en dépit de la menace», glisse-t-elle. Un jaillissement frêle, fragile, comme tout nourrisson qui vient au monde. Se questionner, ce soir-là, ne serait-ce que quelques minutes, sur cette émotion à nulle autre pareille qui saisit devant un nouveau-né, devant le tout-petit. Comme un antidote à notre sentiment de toute-puissance. Comme un rappel à célébrer la vie. Joyeux Noël.

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Comment fêter Noël alors que le monde s’abîme dans la violence?

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23.12.2023

La directrice des éditions Labor et Fides à Genève décoiffe par un franc-parler chaleureux et inspirant. Pour parler du sens de Noël aujourd’hui, de la violence, de la polarisation de nos sociétés, de la beauté malgré tout, nous lui avons donné carte blanche pour une série d’articles et d’invités.

Surtout ne pas gâcher la fête, cette parenthèse qui permet de respirer, de se refaire, comme une trêve dans le feu des jours. Même si on n’est pas dupe de la course à obstacles qu’il faut franchir pour arriver au Réveillon à peu près entier entre le casse-tête des invitations, les arrangements familiaux pour ne froisser personne, les achats dans la cohue en se promettant de s’y prendre plus tôt l’année prochaine, les menus, le stress des cadeaux alors que l’on claironne que........

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