Dimanche aura lieu le deuxième tour des élections présidentielles en Argentine avec, en pole position des sondages, Javier Milei, le candidat libertarien et antisystème qui veut réduire les dépenses publiques «à la tronçonneuse», interdire l’avortement et autoriser le commerce d’organes, pour ne citer que quelques points de son programme. La vague populiste circule tel El Niño aux quatre coins du globe. Sans parler de la violence insoutenable des guerres en cours où l’Autre est méthodiquement éradiqué.

Dans ce contexte plombé, Maryanne Wolf, chercheuse américaine en neurosciences, permet d’entrevoir de l’espoir et de reprendre quelques couleurs. Sa méthode? Elle est simple: lire. Oui, lire et faire lire, permettre au plus grand nombre non seulement d’apprendre à lire mais aussi d’acquérir la capacité de s’immerger dans la lecture profonde, soutenue, qui exige une attention au long cours. Il ne s’agit pas d’une poussée nostalgique ou d’un mantra quelconque. Dans Lecteur, reste avec nous!, Maryanne Wolfrassemble les données scientifiques qui étayent son appel. La lecture compte parmi les antidotes les plus puissants aux discours populistes et autres fake news.

Réputée mondialement, la spécialiste de la lecture était à la recherche d’un éditeur en langue française pour son plaidoyer. C’est une maison suisse, Rosie & Wolfe, et plus précisément celui qui la dirige, Joël Dicker, qui l’a convaincue. Fils d’un professeur de français et d’une libraire, l’auteur le plus lu en langue française rate rarement l’occasion, dans ses prises de parole, de faire la promotion de la lecture.

Pour lire, le cerveau humain emprunte des chemins neuronaux d’une ampleur et d’une sophistication inouïes. Physiologiquement, lire conduit à se projeter dans la pensée d’autres que soi, celle de l’auteur ou de l’autrice; à vivre, de façon tangible, par le biais des personnages, d’autres émotions, d’autres réalités que la sienne. En plus d’être un véritable muscle de l’empathie, le processus de déchiffrement des mots implique de mettre en œuvre des techniques de déduction et d’analyse critique qui entraînent à la réflexion complexe et indépendante.

C’est bien ce trésor qu’il s’agit de préserver dans notre civilisation numérique. Car les écrans, preuves à l’appui, ont déjà modifié notre façon de lire. S’il permet bien sûr l’apparition de nouvelles compétences, l’environnement numérique pousse à lire vite, en surface et en zigzag. Un survol qui n’autorise pas le dialogue fécond de la lecture profonde. Aux responsables politiques, aux enseignants, au monde de l’entreprise, à nous tous, Maryanne Wolf demande de veiller à la cohabitation entre la culture de l’imprimé et la culture des écrans. De façon que les lecteurs de demain disposent, plus que jamais, de toutes les connexions neuronales, de tous les outils nécessaires pour faire rempart contre la violence.

QOSHE - La lecture, rempart contre le populisme - Lisbeth Koutchoumoff Arman
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La lecture, rempart contre le populisme

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18.11.2023

Dimanche aura lieu le deuxième tour des élections présidentielles en Argentine avec, en pole position des sondages, Javier Milei, le candidat libertarien et antisystème qui veut réduire les dépenses publiques «à la tronçonneuse», interdire l’avortement et autoriser le commerce d’organes, pour ne citer que quelques points de son programme. La vague populiste circule tel El Niño aux quatre coins du globe. Sans parler de la violence insoutenable des guerres en cours où l’Autre est méthodiquement éradiqué.

Dans ce contexte plombé, Maryanne Wolf, chercheuse américaine en neurosciences, permet d’entrevoir de l’espoir et de reprendre quelques couleurs. Sa méthode? Elle est simple: lire. Oui, lire et faire lire, permettre au........

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