Oui, je sais. L’amour de soi devrait suffire. Je devrais pouvoir me dire: OK, j’ai le corps vaillant (et pas retouché) d’une mère de trois grands enfants et le pied encore guilleret pour ce qui est d’aller danser et cueillir le muguet.

Mais bon, en termes de valorisation, on n’est jamais aussi bien servies que par autrui, non? Et ceci, même si on clame partout que le regard des autres, on s’en fout. En fait, on s’en fout pas. Et, parmi tous les regards, un, en particulier, vaut son pesant de cacahuètes: celui de l’âme sœur, évidemment.

Alors quand l’élu déclare, l’œil qui frise, que vos plis partout et vos petits filets un peu mous le rendent fou, on se dit qu’on n’a pas tout perdu. Que la vieillesse, ma bonne dame, c’est une histoire de point de vue…

Ces jours, justement, à Genève après une tournée romande, une exposition de photos intitulée Silver Power célèbre des femmes qui assument leurs cheveux gris. Elles sont plus ou moins âgées, plus ou moins coquettes, voire peut-être même un peu liftées-lissées, mais toutes ont dit non aux teintures qui trompent l’ennemi. Ça n’a l’air de rien, ce n’est pas anodin. Une amie vient de faire le pas et disons que… ça se voit. Les gens de son entourage lui demandent ce qu’elle a modifié. A leur mine mitigée, mon amie comprend que le changement ne penche pas du bon côté.

Certes, le mâle vieillit aussi. Il forcit, s’épaissit. Son pas ralentit ainsi que son esprit (si, si). Il abandonne les exploits, accepte une vie avec moins d’éclat. Mais rares sont les hommes qui se trouvent enlaidis par la vieillesse. Quand on les écoute, ils vantent le chemin parcouru, les kilomètres accomplis. Ils regardent le trajet, pas le résultat.

Pourquoi? Parce que, dans l’imaginaire populaire, les hommes sont des bibliothèques en chêne massif quand, nous, nous sommes des étagères Ikea. De plus en plus tapées, usées, mais incassables! Et tellement fiables pour ceux qu’on porte, supporte, met en avant, soutient, exhibe, etc.

J’exagère, bien sûr. Ma vie est douce et mes amis garçons ne sont pas des bourrins. Ils savent le poids et la noblesse de chacune et chacun. Mais la société dans sa globalité n’a pas la même élévation. Quand on voit combien de nos sœurs se font charcuter le contour des yeux, le front, les lèvres, les pommettes, les joues, les bajoues, les fesses, les cuisses, le ventre et les seins, on réalise que l’égalité face à l’âge n’est pas pour demain. Alors, moi je dis: «merci, chéri, d’aimer mes petits plis!»

QOSHE - «Je vieillis? Peu importe, car mon chéri aime mes plis!» - Marie-Pierre Genecand
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«Je vieillis? Peu importe, car mon chéri aime mes plis!»

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17.04.2024

Oui, je sais. L’amour de soi devrait suffire. Je devrais pouvoir me dire: OK, j’ai le corps vaillant (et pas retouché) d’une mère de trois grands enfants et le pied encore guilleret pour ce qui est d’aller danser et cueillir le muguet.

Mais bon, en termes de valorisation, on n’est jamais aussi bien servies que par autrui, non? Et ceci, même si on clame partout que le regard des autres, on s’en fout. En fait, on s’en fout pas. Et, parmi tous les regards, un, en particulier, vaut son pesant de cacahuètes: celui de l’âme sœur, évidemment.

Alors quand l’élu déclare, l’œil qui frise, que vos plis partout et vos petits........

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