«C’est stupide et méchant de priver en ce moment l’UNRWA de sa capacité d’aider des gens. Je suis indignée.» Dans la bouche de Ruth Dreifuss, dont l’intégrité morale force le respect et que l’on ne peut soupçonner d’emportement facile ou d’antisémitisme, ces mots prononcés jeudi à la RTS obligent le nouveau parlement suisse à une réflexion profonde.

Les sénateurs ont hésité jeudi à suivre leurs collègues du National dans leur volonté de supprimer la contribution de 20 millions de francs de la Suisse à l’agence des Nations unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens. La décision finale du parlement tombera la semaine prochaine.

Première erreur: inviter le conflit actuel au Proche-Orient dans l’examen du budget, via la proposition individuelle d’un UDC d’Appenzell. Ce débat parlementaire doit servir à poser un cadre financier pour l’année à venir, actant des priorités et respectant le frein à l’endettement. Il a tout sauf vocation à définir la politique étrangère de la Suisse.

Deuxième erreur: remettre en question la contribution à l’UNRWA en ce moment précis, soit après des semaines d’un conflit meurtrier pour les deux parties, et qui laisse les civils palestiniens dans un dénuement total. Il y a sans doute matière à questionner le fonctionnement de l’agence onusienne, mais pas au moment où les besoins sont les plus importants.

Détail piquant: au printemps 2018, c’est Ignazio Cassis, quelques mois après son entrée au Conseil fédéral, qui avait déclenché une tempête de critiques nationales et internationales en posant la question de la pertinence de l’UNRWA. En se demandant publiquement si l’agence ne perpétuait pas le statut de réfugié palestinien au lieu d’y apporter une solution, le Tessinois avait été accusé de s’aligner sur les positions de la droite israélienne. Aujourd’hui, le même chef des Affaires étrangères a quelques jours pour expliquer au parlement que ce n’est pas le moment de surréagir, et encore moins celui de dégrader le sort de milliers de personnes. Il peut aussi évoquer le risque de réputation encouru par le pays.

Interdire le Hamas, comme le Conseil fédéral l’a proposé fin novembre au parlement, est une chose. Assécher le robinet de la diplomatie humanitaire de la Suisse dans un tel contexte en est une tout autre. Cette instrumentalisation du législatif, qui se solde par un affrontement gauche-droite, est indigne de nos institutions et de notre histoire.

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Aide aux Palestiniens: le parlement suisse ne doit pas tout jeter dans la précipitation

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14.12.2023

«C’est stupide et méchant de priver en ce moment l’UNRWA de sa capacité d’aider des gens. Je suis indignée.» Dans la bouche de Ruth Dreifuss, dont l’intégrité morale force le respect et que l’on ne peut soupçonner d’emportement facile ou d’antisémitisme, ces mots prononcés jeudi à la RTS obligent le nouveau parlement suisse à une réflexion profonde.

Les sénateurs ont hésité jeudi à suivre leurs collègues du National dans leur volonté de supprimer la contribution de 20 millions de francs de la Suisse à l’agence des Nations unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens. La décision finale du parlement........

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