L’attachement que les Suisses portent à l’AVS est historiquement fort. Mais depuis dimanche 3 mars, c’est devenu de l’amour. Par les temps – incertains – qui courent, ils ont jugé qu’il était préférable d’augmenter des rentes garanties, malgré le coût important de cette mesure, que de spéculer sur des promesses. Ils ont estimé qu’il était temps que les autorités entendent leur exaspération, malgré un principe arrosoir dont les Suisses se méfient au plus haut point. Ils ont décidé qu’ils avaient le droit de freiner l’érosion de leur pouvoir d’achat, plutôt que d’attendre des micro-mesures de la part d’autorités pusillanimes.

Impressionnant par son ampleur, ce oui sonne comme un double signal politique. Celui d’une fatigue face à la gestion du budget public, d’abord. Après les milliards envolés pour le covid, le sentiment de normalité n’est jamais revenu. Aide aux pays en guerre, accueil de réfugiés, débâcle de Credit Suisse, érosion du pouvoir d’achat et enfin, ces dernières semaines, annonces de coupes budgétaires pour tout, sauf pour l’armée. Tout cela a construit une séquence très favorable pour les syndicats, qui gagnent pour la première fois avec ce type de proposition. Les Suisses se sont sentis dépossédés, submergés par ce sentiment nouveau que leurs impôts profitent à tout le monde, sauf à eux.

Le deuxième signal concerne le système des retraites. L’équilibre entre les différents piliers de la prévoyance vieillesse suisse ne convient plus aux citoyens. La volatilité des rentes du 2e pilier, la méfiance autour de la baisse des taux de conversion, la complexité des calculs actuariels, tout cela a largement ébréché la confiance des Suisses envers la prévoyance professionnelle. Le risque est grand que cela se vérifie encore dans les urnes cet automne. Dans ce contexte, le 1er pilier fait figure de valeur refuge, à couler dans le béton.

Le Conseil fédéral et le parlement n’ont pas su lire les inquiétudes qui se sont cristallisées au sein de la population ces deux dernières années. Ils n’ont pas su se départir de leur dogmatisme pour proposer des contre-projets plus équilibrés aux citoyens. Le plébiscite de cette 13e rente les oblige à revenir au compromis constructif, qui permettra un financement supportable pour les entreprises comme pour les individus.

Renforcer les retraites pour que tous les travailleurs puissent vivre décemment jusqu’à la fin, c’était la priorité des Suisses ce dimanche. L’AVS avait déjà ses lettres de noblesse, elle capitalise désormais l’amour de tous les électorats du pays.

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QOSHE - AVS, mon amour - Nicole Lamon
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AVS, mon amour

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03.03.2024

L’attachement que les Suisses portent à l’AVS est historiquement fort. Mais depuis dimanche 3 mars, c’est devenu de l’amour. Par les temps – incertains – qui courent, ils ont jugé qu’il était préférable d’augmenter des rentes garanties, malgré le coût important de cette mesure, que de spéculer sur des promesses. Ils ont estimé qu’il était temps que les autorités entendent leur exaspération, malgré un principe arrosoir dont les Suisses se méfient au plus haut point. Ils ont décidé qu’ils avaient le droit de freiner l’érosion de leur pouvoir d’achat, plutôt que d’attendre des micro-mesures de la part d’autorités........

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