Interdit en Suisse depuis 1951, le cannabis avance lentement mais sûrement vers sa légalisation. Alors que 300 000 personnes en consomment régulièrement dans le pays et que la Confédération estime à plus de 120 millions de francs le coût annuel de la répression, la situation actuelle n’est plus vraiment défendable.

C’est en tout cas l’avis de la population, qui serait désormais favorable à 70% à une légalisation de la substance. Une opinion publique qui semble avoir beaucoup évolué depuis le refus assez sec en 2008 de l’initiative populaire «Pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse», qui avait soldé une décennie de débats gangrenés par les calculs électoralistes et les idéologies.

Aujourd’hui, un vent nouveau souffle de l’Amérique à l’Allemagne, qui encourage les politiques suisses à dépasser un interdit inefficace et à trouver une solution pragmatique pour la dépénalisation de la substance. Sous la Coupole, quelques élus travaillent en toute discrétion à un changement de loi depuis de nombreux mois. Rien ne filtre, mais l’équation est cruciale: comment protéger la population tout en luttant contre un marché noir toujours plus florissant? Pour l’instant, le commerce du cannabis en Suisse ne profite qu’aux trafiquants, et la perspective de rentrées fiscales supplémentaires – en cas de légalisation – a de quoi séduire dans un contexte financier particulièrement délicat. Et cela même s’il semble évident qu’il faudra investir en matière de contrôle des produits et de prévention, notamment en direction de la jeunesse.

Contrairement au début du millénaire, les élus disposent cette fois-ci d’outils solides pour trouver la formule la mieux adaptée à la société suisse. Les modèles mis en œuvre par les Etats qui ont déjà donné leur feu vert à la consommation d’herbe sont examinés à la loupe. Et en Suisse, les nombreux essais pilotes de distribution lancés ces derniers mois dans les grandes villes – plus de 15 000 consommateurs et consommatrices de cannabis y participeront bientôt – fourniront des informations cruciales à la définition d’une loi équilibrée.

En 2001, l’audacieuse ministre de la Santé de l’époque, Ruth Dreifuss, avait convaincu le Conseil fédéral et le Conseil des Etats de dire oui à une dépénalisation du cannabis. Une génération plus tard, ses héritiers mieux armés arriveront sans doute à leur fin.

QOSHE - Cannabis, un champ en plein labour - Nicole Lamon
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Cannabis, un champ en plein labour

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08.04.2024

Interdit en Suisse depuis 1951, le cannabis avance lentement mais sûrement vers sa légalisation. Alors que 300 000 personnes en consomment régulièrement dans le pays et que la Confédération estime à plus de 120 millions de francs le coût annuel de la répression, la situation actuelle n’est plus vraiment défendable.

C’est en tout cas l’avis de la population, qui serait désormais favorable à 70% à une légalisation de la substance. Une opinion publique qui semble avoir beaucoup évolué depuis le refus assez sec en 2008 de l’initiative populaire «Pour une politique raisonnable en matière de chanvre........

© Le Temps


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