L’assurance-vieillesse et survivants, c’est un peu la Sagrada Familia de la politique helvétique: depuis sa création en 1948, le chantier est perpétuel. Ces huit dernières années seulement, les Suisses auront voté six fois sur le sujet. Un record. Et si les politiques comme le peuple sont en permanence à son chevet, c’est que l’AVS est un acquis social majeur. Il s’agit donc de le faire évoluer en bonne intelligence, évitant chausse-trappes idéologiques de gauche comme de droite.

La proposition syndicale de verser une 13e rente AVS part assurément d’un bon sentiment. Aujourd’hui, la rente vieillesse individuelle moyenne est inférieure à 2000 francs par mois, et personne ne peut prétendre avec ce seul montant «couvrir les besoins vitaux de manière appropriée», comme le stipule la Constitution. Mais les bons sentiments ne devraient pas suffire à convaincre les Suisses qui, malgré les sondages actuellement favorables à l’initiative, savent prévoir. Ainsi en 2016, le peuple a largement refusé une proposition très similaire, celle de relever les rentes vieillesse de 10%. Et en 2017, le supplément de 70 francs prévu pour chaque rente AVS a largement contribué à l’échec du projet gouvernemental Prévoyance vieillesse, qui visait une réforme conjointe des 1er et 2e piliers. Dans les deux cas, la critique d’une politique arrosoir a été déterminante.

Même si la grogne citoyenne a augmenté depuis, alimentée par le covid, les guerres, les milliards octroyés à l’armée, ceux prêtés lors de la mort de Credit Suisse, les votants ne peuvent laisser leurs tripes tracer l’avenir de l’AVS. Car les réalités individuelles sont très diverses et la plupart des retraités n’ont pas besoin de cette 13e enveloppe: leur fortune, prévoyance professionnelle ou 3e pilier leur permet de nouer décemment les deux bouts. Les plus démunis reçoivent des prestations complémentaires, dont le régime doit être perfectionné, et pourraient bientôt profiter d’améliorations ciblées dans l’AVS, si le Conseil fédéral tient parole à l’horizon 2026. Dans tous les cas, de moins en moins d’actifs vont payer pour de plus en plus de seniors. Si elle est acceptée, la 13e rente va encore accélérer ce déséquilibre, via des hausses de cotisations salariales, voire de TVA ou d’impôts.

La confiance qui lie les Suisses à l’AVS est solide. Le contexte de 2024 ne suffit pas à justifier qu’un tel coup de canif soit porté dans le contrat social le plus cher au pays.

QOSHE - La 13e rente AVS, une dangereuse tentation - Nicole Lamon
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La 13e rente AVS, une dangereuse tentation

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30.01.2024

L’assurance-vieillesse et survivants, c’est un peu la Sagrada Familia de la politique helvétique: depuis sa création en 1948, le chantier est perpétuel. Ces huit dernières années seulement, les Suisses auront voté six fois sur le sujet. Un record. Et si les politiques comme le peuple sont en permanence à son chevet, c’est que l’AVS est un acquis social majeur. Il s’agit donc de le faire évoluer en bonne intelligence, évitant chausse-trappes idéologiques de gauche comme de droite.

La proposition syndicale de verser une 13e rente AVS part assurément d’un bon sentiment. Aujourd’hui, la rente vieillesse........

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