Le constat est chaque année plus alarmant: l’hôpital public français s’approche depuis si longtemps du bord du gouffre qu’on a l’impression qu’il peut y sombrer à tout moment. Le niveau de compétence et d’engagement des personnels reste très élevé mais la vétusté des infrastructures et le manque de main-d’œuvre font que l’offre de soins n’est pas toujours au rendez-vous. Les services d’urgence sont débordés et les rendez-vous plus spécialisés peuvent mettre des mois avant d’être honorés. Le fruit de «décennies de sous-investissement» selon le premier ministre, Gabriel Attal, qui promet des milliards pour permettre au système de santé français de sortir du cycle infernal des déficits récurrents, de la dette accumulée et des pansements sur une jambe de bois. Une mission qui s’annonce difficile au vu de l’état des finances françaises.

Résultat: quand s’impose une réflexion de société aussi importante et fondamentale que celle d’ouvrir un accès au suicide assisté dans le droit, la première crainte est que cette option ne soit utilisée pour remédier au manque de moyens, que ce soit dans les soins palliatifs ou dans l’accueil des personnes âgées par exemple. N’aura-t-on pas recours à «l’aide à mourir» tout simplement parce qu’on n’a pas les moyens de donner accès aux autres soins rendus possibles par la science? Ou, pire, parce que cela coûte cher de prendre en charge les personnes en fin de vie, comme l’imaginait un infirmier sur Franceinfo lundi matin?

Pour que le choix de «l’aide à mourir» soit totalement libre et fait en conscience, il faut que toutes les options soient à disposition. Et en France, on n’est plus sûr de rien. Le manque de moyens entrave les réflexions éthiques sur la fin de vie, ce qui ne facilite pas un débat sain et serein sur le fond de la question. Une raison de plus de chérir et soigner le système de santé suisse, dans lequel on n’est pas confronté à ce genre d’absence de moyens, de choix contraints par le défaut d’offre et donc de réflexions biaisées par le manque d’argent.

QOSHE - L’étouffante menace d’un suicide assisté par défaut - Paul Ackermann
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L’étouffante menace d’un suicide assisté par défaut

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22.04.2024

Le constat est chaque année plus alarmant: l’hôpital public français s’approche depuis si longtemps du bord du gouffre qu’on a l’impression qu’il peut y sombrer à tout moment. Le niveau de compétence et d’engagement des personnels reste très élevé mais la vétusté des infrastructures et le manque de main-d’œuvre font que l’offre de soins n’est pas toujours au rendez-vous. Les services d’urgence sont débordés et les rendez-vous plus spécialisés peuvent mettre des mois avant d’être honorés. Le........

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