Pour faire monter la pression sur le premier ministre français, Gabriel Attal, ils déplaçaient leur «bivouac» et se rapprochaient de Paris tous les jours. Croisés ce mercredi sur le blocage de l’autoroute A16 près de Beauvais, à deux heures de route au nord de la capitale, des agriculteurs picards en colère affirmaient que s’il s’avérait que leur gouvernement faisait tout ce qu’il pouvait pour les aider mais que c’est au niveau de l’UE que leurs revendications devaient rester bloquées, ils dirigeraient alors leurs tracteurs vers les autoroutes qui mènent à Bruxelles. Et ils avaient raison: c’est effectivement bien au sommet de l’Europe que se jouera le vrai débat.

Avant d’en arriver là, ce vendredi soir, Gabriel Attal aura donc dévoilé ses mesures envisagées pour rendre le quotidien des agriculteurs français plus supportable. Les heures qui viennent nous diront si ces annonces suffiront à calmer l’impressionnant mouvement de mécontentement qui est apparu au grand jour dans le pays cette semaine.

La réponse gouvernementale aura en tout cas été spectaculaire sur la forme, avec un premier ministre qui a usé de tout son savoir-faire oratoire. Il a aussi déroulé une longue série de mesures qui, si elles n’ont pas convaincu tout le monde, dont les principaux syndicats, devraient créer un peu de confusion dans le mouvement et pourraient provoquer quelques fissures dans le front jusqu’ici uni des agriculteurs français. Leur situation s’en trouvera-t-elle pour autant bouleversée et leur avenir garanti? Rien n’est moins sûr.

Quelle que soit la générosité du gouvernement français au bout du compte, feinte ou sincère et vérifiée dans les faits, la solution au vrai problème se trouve ailleurs. Premièrement, à Bruxelles – et pas à Paris. C’est effectivement la politique agricole commune (PAC) qui régit l’agriculture dans l’UE, tout particulièrement au niveau des normes écologiques, des importations, des aides et donc des démarches administratives, bref de la plupart des sujets au cœur des revendications. La grogne dépasse d’ailleurs largement les frontières françaises. Ce sont les mouvements allemands, néerlandais, polonais et roumains de ces dernières semaines qui ont inspiré les paysans hexagonaux. Le camp d’Emmanuel Macron ne peut cependant pas trop pointer l’UE du doigt à quelques mois d’élections européennes pour lesquelles il se pose en rempart de l’Europe face au Rassemblement national.

Deuxièmement – sujet encore bien plus ample et vertigineux au vu des menaces qui pèsent sur le climat et la biodiversité et donc des inévitables mesures qui devront être prises pour l’avenir de notre environnement –, ce ne sont pas des changements ponctuels ou locaux qui régleront le problème. C’est une redéfinition totale du modèle agricole européen, voire occidental et mondial. A ce niveau, on n’a rien entendu de concret ces derniers jours.

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Les agriculteurs français se trompent d’autoroute

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26.01.2024

Pour faire monter la pression sur le premier ministre français, Gabriel Attal, ils déplaçaient leur «bivouac» et se rapprochaient de Paris tous les jours. Croisés ce mercredi sur le blocage de l’autoroute A16 près de Beauvais, à deux heures de route au nord de la capitale, des agriculteurs picards en colère affirmaient que s’il s’avérait que leur gouvernement faisait tout ce qu’il pouvait pour les aider mais que c’est au niveau de l’UE que leurs revendications devaient rester bloquées, ils dirigeraient alors leurs tracteurs vers les autoroutes qui mènent à Bruxelles. Et ils avaient raison: c’est effectivement bien au sommet de l’Europe que se jouera le vrai débat.

Avant d’en arriver là, ce vendredi soir, Gabriel........

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