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Le parcours de l’assaillant qui a tué un touriste dans le quartier de la Tour Eiffel samedi soir pose une question vertigineuse. Au-delà des interrogations propres à son cas, autour du suivi psychiatrique défaillant et des services de renseignements trop débordés pour garantir un risque zéro, il y a la problématique des «sortants» comme on les appelle désormais. Ces personnes condamnées pour terrorisme, qui ont purgé leur peine, et dont on ne sait pas quoi faire même si elles restent suivies de près.

Avec la vague d’attentats déjoués et d’arrestations de complices qu’a connue la France depuis 10 ans, chaque mois qui passe amène désormais son lot de libérations, les relativement courtes peines (4 ans dans le cas de ce weekend) arrivant à leur terme les unes après les autres. Lundi matin, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a déclaré que, depuis qu’il y a des condamnations pour terrorisme, 340 personnes radicalisées qui ont purgé leur peine sont sorties de prison. «L’année prochaine ce sera entre 30 et 35 personnes», a-t-il ajouté.

La rechute, ou même le passage à l’acte de djihadistes qui n’ont en fait jamais changé de point de vue, pourrait donc bien constituer une nouvelle phase de la vague terroriste islamiste qui touche la France depuis le milieu des années 2010.

Face à cette donne, comment éviter la recrudescence? Les pistes de réponses iront nécessairement avec leur lot de dilemmes éthiques. Face au cas de l’assaillant de ce week-end, «nous avons fait le maximum dans le cadre de la loi actuelle», prétend Gérald Darmanin. Mais il enchaîne tout de suite en affirmant qu’il n’y a «aucune question taboue pour protéger les Français», il ajoute même qu’il faut «arrêter de trouver des arguties juridico-morales» et donc changer des lois voire passer outre quelques lignes rouges.

La principale proposition du ministre est celle d’«injonctions administratives» à se soigner. Les préfets, et non un médecin, pourraient ainsi forcer un radicalisé souffrant de problèmes psychiatriques à continuer son traitement. Au-delà des problèmes scientifiques que cela pose, on voit bien que cette idée ne couvrirait que la problématique psychiatrique, pas nécessairement majoritaire chez les terroristes potentiels.

Pour les autres, le ministre ne ferme pas la porte à la proposition du Rassemblement national (et de l’ancien premier ministre socialiste Manuel Valls) de durcir la «rétention de sûreté», c’est-à-dire le maintien dans une forme de détention des cas jugés toujours menaçants à l’issue de leur peine. On voit bien les questions que poserait la systématisation de ce genre de mesures dans un Etat de droit. Sur quelles bases définir la dangerosité? Avec quelles perspectives de libération? Difficile d’enfermer à vie des personnes sur la base de suspicion, même quand on vit dans le monde de Minority Report.

Le ministre de l’Intérieur promet par ailleurs d'«avoir une réponse pénale extrêmement forte» dans les mois qui viennent, car «la France est durablement sous le coup de la menace islamiste radicale». C’est le moins que l’on puisse dire. Avec les Jeux olympiques qui arrivent très vite, la question des «sortants» pourrait bien devenir obsédante. «Nous avons mis des périmètres de sécurité à Paris pour qu’il ne se passe pas ce genre de choses», assure Gérald Darmanin. Il rappelle d’ailleurs que l’annonce du recours à des justificatifs de déplacement assortis d’un QR code pour rentrer dans ces zones olympiques, des quartiers habités, en pleine ville, avaient fait polémique la semaine dernière, des parlementaires les jugeant «attentatoires aux libertés». Tout comme, quelques mois plutôt, le passage à la vidéosurveillance dite «algorithmique», traitée par des logiciels repérant certains «comportements suspects». Les scandales d’une semaine deviennent les exigences de la suivante…

QOSHE - Les «sortants», embarrassante nouvelle menace terroriste en France - Paul Ackermann
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Les «sortants», embarrassante nouvelle menace terroriste en France

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04.12.2023

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Le parcours de l’assaillant qui a tué un touriste dans le quartier de la Tour Eiffel samedi soir pose une question vertigineuse. Au-delà des interrogations propres à son cas, autour du suivi psychiatrique défaillant et des services de renseignements trop débordés pour garantir un risque zéro, il y a la problématique des «sortants» comme on les appelle désormais. Ces personnes condamnées pour terrorisme, qui ont purgé leur peine, et dont on ne sait pas quoi faire même si elles restent suivies de près.

Avec la vague d’attentats déjoués et d’arrestations de complices qu’a connue la France depuis 10 ans, chaque mois qui passe amène désormais son lot de libérations, les relativement courtes peines (4 ans dans le cas de ce weekend) arrivant à leur terme les unes après les autres. Lundi matin, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a déclaré que,........

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