C’était une campagne de votation pas tout à fait comme les autres. Très émotionnelle, engagée, disputée, la période précédant le scrutin de novembre 2020 sur les multinationales responsables avait vu deux camps s’affronter avec davantage de dureté que d’habitude. Le sujet était évidemment fort sensible, avec ses images de pollution de grande ampleur ou de travail des enfants qui marquent les esprits.

Signe de cette lutte parfois à couteaux tirés, la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter (PLR) vient de se faire épingler par la Commission de gestion du Conseil national. La haute surveillance parlementaire lui reproche, rapport à l’appui, d’avoir outrepassé les principes de communication en vigueur, qui commandent aux autorités d’informer, mais de ne pas chercher à influencer les citoyens.

Le très serré «non» populaire de 2020 n’a pas fait disparaître le sujet, qui revient sur la table depuis Bruxelles. En passe de durcir sa législation, l’Union européenne projette de sanctionner les entreprises peu respectueuses des droits humains et des normes environnementales, et d’ouvrir la voie à des plaintes pour les personnes se sentant lésées sur d’autres continents.

La Suisse n’a pas le choix: elle doit prendre position. Non seulement sur le plan des valeurs, mais aussi en veillant à la compatibilité de ses lois avec celles de son plus grand partenaire commercial. Ce n’est pas un hasard si de grands groupes internationaux manifestent leur volonté de s’aligner sur l’UE, et qu’Economiesuisse donne des signes d’ouverture – un réel changement.

En résumé, trois ans seulement après la votation populaire, il faut déjà remettre l’ouvrage sur le métier. Ce qui souligne, dans ce cas, le manque de vision de Karin Keller-Sutter, du Conseil fédéral et de la majorité du camp bourgeois. Si, en 2020, leur contre-projet avait été moins timoré, la Suisse se serait déjà placée sur les rails, aurait lancé le mouvement.

Aujourd’hui, Berne pourrait évidemment jouer la montre, s’arc-bouter sur sa défense, réitérant certains combats passés, comme celui du secret bancaire. La souplesse régulatrice n’a-t-elle pas fait le succès des entreprises helvétiques? Probablement.

Mais l’intégration au sein de l’économie mondialisée a créé tout autant de prospérité. En plus, mettre les pieds au mur ne ferait que rajouter une divergence avec l’UE. Par les temps qui courent, et vu le rapprochement actuel avec Bruxelles, ce serait plutôt mal vu.

QOSHE - Multinationales responsables: la Suisse doit rattraper son manque de vision - Philippe Boeglin
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Multinationales responsables: la Suisse doit rattraper son manque de vision

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29.11.2023

C’était une campagne de votation pas tout à fait comme les autres. Très émotionnelle, engagée, disputée, la période précédant le scrutin de novembre 2020 sur les multinationales responsables avait vu deux camps s’affronter avec davantage de dureté que d’habitude. Le sujet était évidemment fort sensible, avec ses images de pollution de grande ampleur ou de travail des enfants qui marquent les esprits.

Signe de cette lutte parfois à couteaux tirés, la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter (PLR) vient de se faire épingler par la Commission de gestion du Conseil national. La haute surveillance parlementaire lui........

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