Des financiers engrangent des millions aux Etats-Unis en proposant des crédits automobiles à des taux délirants, que beaucoup d’emprunteurs ne pourront pas rembourser. Ceux-ci subiront saisies et surcoûts, alors que Wall Street, grâce à un peu d’alchimie financière, est assurée de se remplir les poches.

Il y a une vingtaine d’années, des courtiers immobiliers ont eu la remarquable idée de vendre des appartements ou maisons à des ménages qui ne pourraient pas rembourser leur hypothèque. La vague de saisies qui a suivi a provoqué l’effondrement du marché immobilier, une catastrophe bancaire et la grande crise financière de 2008. Des lois ont été créées après ce carnage, afin d’obliger les banques à vérifier la capacité de remboursement des emprunteurs, mais les vendeurs d’automobiles ont obtenu une dérogation.

Résultat, certains instituts de crédit offrent maintenant des prêts à plus de 20% d’intérêt à des ménages désargentés désirant acquérir une voiture, révèle une enquête de Bloomberg. A les croire, ils feraient presque œuvre de charité, la bagnole étant incontournable aux Etats-Unis et même les plus modestes ou les déjà endettés devraient y avoir droit. Ce genre de crédit visant des ménages peu solvables a atteint 37 milliards de dollars l’an dernier, deux fois plus que dix ans auparavant.

Les financiers ne sont pas naïfs: leurs modèles sont parfois basés sur le fait que ces emprunteurs ne rembourseraient pas 42% de leurs crédits «auto subprimes». Mais ces prêts sont transformés en produits financiers multicouches, avec différentes protections… pour les créanciers.

Dans les grandes lignes, ces instruments financiers sont des obligations composées d’un grand nombre de crédits auto de diverses qualités. Ces obligations paient un coupon de 2,5 à un peu plus de 3%, tandis que les crédits affichent un taux d’intérêt moyen de 19%. Tant que les emprunteurs remboursent au moins environ 40% de leurs crédits, les détenteurs de ces obligations récupèrent leur argent.

En 2020, l’un des grands acteurs du secteur, Santander, a dû payer 550 millions de dollars pour mettre fin à des poursuites pour pratiques abusives. Cela n’empêche pas qu’en moyenne 30% des emprunteurs ayant reçu des subprimes auto font défaut sur leur dette. L’inflation et la remontée des taux d’intérêt vont probablement faire augmenter ce chiffre.

Les emprunteurs concernés se font le plus souvent saisir leur véhicule, facilement traçable grâce aux nouvelles technologies comme le GPS ou la lecture des plaques minéralogiques. Et qui empoche le produit de la vente des voitures saisies? Les détenteurs des produits financiers basés sur les crédits auto subprimes.

QOSHE - Après l’immobilier, les subprimes de l’automobile - Sébastien Ruche
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Après l’immobilier, les subprimes de l’automobile

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19.11.2023

Des financiers engrangent des millions aux Etats-Unis en proposant des crédits automobiles à des taux délirants, que beaucoup d’emprunteurs ne pourront pas rembourser. Ceux-ci subiront saisies et surcoûts, alors que Wall Street, grâce à un peu d’alchimie financière, est assurée de se remplir les poches.

Il y a une vingtaine d’années, des courtiers immobiliers ont eu la remarquable idée de vendre des appartements ou maisons à des ménages qui ne pourraient pas rembourser leur hypothèque. La vague de saisies qui a suivi a provoqué l’effondrement du marché immobilier, une catastrophe bancaire et la grande crise financière de 2008. Des lois ont été créées après ce........

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