La justice a de nouveau décidé de ne pas décider. Mardi, le fondateur de WikiLeaks a obtenu un dernier sursis de la Haute Cour britannique, qui estime qu’elle n’a pas de garanties suffisantes de la part des Etats-Unis pour l’extrader. Doit-on s’en réjouir?

Il ne faut pas se faire d’illusion. Même si Washington a assuré que Julian Assange ne croupirait pas dans «l’Alcatraz des Rocheuses», une prison de très haute sécurité dans le Colorado, il est peu probable que des garanties plus substantielles soient données aux juges londoniens dans trois semaines. Les Etats-Unis sont en pleine année électorale et le cas Assange demeure explosif. Or il est temps qu’on mette un terme à une situation humainement inacceptable. Les conditions de détention du plus célèbre lanceur d’alerte du XXIe siècle, dans la prison de Belmarsh à Londres, ne sont pas dignes d’une démocratie. La santé de l’Australien ne cesse de se dégrader.

La menace qui pèse sur Julian Assange d’être condamné outre-Atlantique à une peine pouvant aller jusqu’à 175 ans de prison est un test sur la manière dont les Etats-Unis sont prêts à juger les lanceurs d’alerte. Leur rôle, confiait au Temps feu Daniel Ellsberg, l’homme des Pentagon Papers, reste indispensable pour révéler de manière moins orthodoxe, mais nécessaire, les travers des démocraties. Washington, qui a coutume de traquer inlassablement les whistleblowers, devrait se rendre compte qu’ils peuvent contribuer au bien commun.

C’est là toute l’ambiguïté des soutiens indéfectibles au fondateur de WikiLeaks, qui le présentent en héraut du journalisme et de la liberté d’expression. C’est le cas notamment de Reporters sans frontières. L’avocat de l’Australien fustige le fait que son client soit poursuivi pour des «pratiques journalistiques ordinaires». Vraiment? Pas si sûr. Il est indéniable que sa plateforme a permis de rendre publiques les horreurs de la guerre états-unienne en Irak. Mais l’Australien n’a pas toujours eu à cœur de s’ériger en défenseur de la démocratie.

En 2016, un rapport d’une commission spéciale du renseignement du Sénat américain le soulignait de façon catégorique: WikiLeaks et le GRU (le renseignement militaire russe) ont étroitement collaboré pour faire dérailler la campagne électorale de la démocrate Hillary Clinton – un «diable» – opposée à l’époque à Donald Trump. Julian Assange n’a en l’occurrence pas fait du journalisme, mais un travail de sape d’une élection présidentielle avec l’aide de la Russie de Vladimir Poutine. Aujourd’hui, avec le retour sur la scène de Donald Trump qui fut le premier bénéficiaire de l’action de WikiLeaks, on mesure les dégâts occasionnés.

QOSHE - De quel Assange parle-t-on? - Stéphane Bussard
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De quel Assange parle-t-on?

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26.03.2024

La justice a de nouveau décidé de ne pas décider. Mardi, le fondateur de WikiLeaks a obtenu un dernier sursis de la Haute Cour britannique, qui estime qu’elle n’a pas de garanties suffisantes de la part des Etats-Unis pour l’extrader. Doit-on s’en réjouir?

Il ne faut pas se faire d’illusion. Même si Washington a assuré que Julian Assange ne croupirait pas dans «l’Alcatraz des Rocheuses», une prison de très haute sécurité dans le Colorado, il est peu probable que des garanties plus substantielles soient données aux juges londoniens dans trois semaines. Les Etats-Unis sont en pleine année électorale et le cas Assange demeure explosif. Or il est temps qu’on mette un........

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