A lire la nouvelle stratégie qu’il a élaborée pour 2024-2027, force est de constater que le Comité international de la Croix-Rouge a tiré les leçons des erreurs passées. La politique d’expansion de l’organisation menée au pas de charge depuis 2013 n’était pas tenable dans la durée. De 2,8 milliards de francs, le budget passe désormais à 2,1 milliards. Le CICR vient de connaître la pire crise financière de son existence – à l’exception des années d’immédiat après-guerre où il avait dû licencier quatre personnes sur cinq. Au même titre que l’Agence de l’ONU pour les réfugiés (HCR) ou du Programme alimentaire mondial, il a subi de plein fouet l’impact de facteurs extérieurs, dont l’explosion des besoins humanitaires. Mais il a aussi payé cher ses propres errances.

Les conséquences de cette austérité imposée sont toutefois douloureuses: entre 2023 et 2024, 4000 postes auront été supprimés. A l’avenir, le CICR ne va plus chercher à conquérir à tout prix des parts de marché de l’humanitaire au risque de mettre en danger l’institution. Il recentre son activité sur ce qu’il sait faire de mieux, la protection des civils et la défense du droit humanitaire, et laisse les activités de développement à ceux qui sont les mieux équipés pour le faire. Il promet de se doter d’une gestion financière durable. Par chance, le CICR a pu néanmoins compter sur des donateurs (institutions publiques, Etats) conscients de l’urgence de venir à la rescousse. L’institution humanitaire prend un cap qui rassure et qui l’ancre à nouveau dans une niche qui fait toute sa spécificité.

Sa situation étant stabilisée, elle n’en doit pas moins s’affirmer dans un contexte politique et médiatique très compliqué. Il suffit d’entendre les critiques d’Ukrainiens ou de familles d’otages israéliens pour prendre la mesure du défi. Le CICR est accusé de ne pas en faire assez. C’est méconnaître la réalité du terrain et oublier le mépris envers le droit humanitaire que manifestent nombre de parties aux conflits.

Communiquer sur la spécificité de sa mission a toujours été une vraie gageure pour l’institution genevoise, et l’est encore plus à l’heure où les réseaux sociaux poussent à voir le monde en noir et blanc et à choisir ses chapelles. Insistant sur sa neutralité et son impartialité, le CICR ne dénonce jamais publiquement les atrocités commises par les parties à un conflit. Il l’avait fait de façon exceptionnelle lorsque avaient fuité dans la presse les actes de torture d’Abu Ghraïb. Qu’on aime ou pas cette philosophie, c’est l’ADN de l’organisation qui est reconfirmé. Au profit de la protection des civils et prisonniers de guerre.

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Le CICR tire les leçons du passé

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19.12.2023

A lire la nouvelle stratégie qu’il a élaborée pour 2024-2027, force est de constater que le Comité international de la Croix-Rouge a tiré les leçons des erreurs passées. La politique d’expansion de l’organisation menée au pas de charge depuis 2013 n’était pas tenable dans la durée. De 2,8 milliards de francs, le budget passe désormais à 2,1 milliards. Le CICR vient de connaître la pire crise financière de son existence – à l’exception des années d’immédiat après-guerre où il avait dû licencier quatre personnes sur cinq. Au même titre que l’Agence de l’ONU pour les réfugiés (HCR) ou du Programme alimentaire mondial, il a subi de plein fouet l’impact de facteurs........

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