Il était enfermé dans l’une des pires prisons de Russie, au-delà du cercle arctique. Alexeï Navalny avait beau avoir en partie disparu des radars, sa mort a provoqué une onde de choc. Pour nombre d’opposants au régime de Vladimir Poutine, il incarnait encore un maigre espoir de résistance au Kremlin qui, depuis l’invasion russe menée en Ukraine, a écrasé les libertés et les droits humains.

Même si les Occidentaux se sont sans doute trompés sur le pedigree du plus célèbre détenu de Russie, qui, malgré sa féroce opposition à Vladimir Poutine, restait très nationaliste, Alexeï Navalny a démontré le courage de celui qui pensait pouvoir transformer un jour son pays. En retournant en Russie, il espérait, explique l’écrivain Victor Chenderovitch, soulever la société civile contre un pouvoir qu’il jugeait corrompu. Mais il a sous-estimé le cynisme du système créé par Poutine.

Sa mort rappelle d’autres figures russes assassinées parce qu’elles s’étaient battues pour une Russie libérale: Alexander Litvinenko, Anna Politkovskaïa ou encore Boris Nemtsov. Elle envoie un signal préoccupant à un autre opposant, Vladimir Kara-Mourza, condamné à 25 ans de prison pour des crimes imaginaires.

A un mois d’une présidentielle russe par laquelle Vladimir Poutine est assuré d’être reconduit à la tête de l’Etat pour un cinquième mandat, le meurtre – pour reprendre les propos du
Prix Nobel de la paix Dmitri Mouratov – d’Alexeï Navalny inquiète ceux qui voyaient en lui une ressource psychologique, l’un des derniers remparts à l’autocratie poutinienne. La fermeture forcée de l’ONG Memorial, qui avait mené un extraordinaire travail sur les crimes du stalinisme, en dit long sur un Kremlin qui a réhabilité le Petit père des peuples. Avec la mort de Navalny, le poutinisme est une nouvelle fois sur la sellette, mais avec la réélection du maître du Kremlin, il a encore de beaux jours devant lui. En Ukraine, en particulier à Avdiivka, les affaires vont très mal pour les forces ukrainiennes. En Europe, les thuriféraires de Poutine ont le vent en poupe au sein des partis d’extrême droite – qui bénéficient pour la plupart, du soutien de Moscou.

Mépriser et éliminer les voix dissidentes ne font pas une politique. La Russie connaît certes une légère embellie, mais elle n’a jamais réformé son économie, tributaire de la seule rente pétrolière et gazière. Sa puissance, aujourd’hui, ce n’est certainement pas son PIB (qui équivaut à celui de l’Espagne), mais son arsenal nucléaire (le plus important du monde) et le sentiment que sa brutalité ne rencontrera aucune résistance. Sur la place des Nations, vendredi à Genève, les partisans de l’organisation Russie du futur sont venus dire «stop à Poutine». Ils ont crié leur colère et désespoir. Les démocraties doivent les entendre et appliquer la devise de Navalny: ne jamais avoir peur de contrer les plans de l’autocrate de Moscou.

QOSHE - Navalny victime du cynisme de Poutine - Stéphane Bussard
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Navalny victime du cynisme de Poutine

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16.02.2024

Il était enfermé dans l’une des pires prisons de Russie, au-delà du cercle arctique. Alexeï Navalny avait beau avoir en partie disparu des radars, sa mort a provoqué une onde de choc. Pour nombre d’opposants au régime de Vladimir Poutine, il incarnait encore un maigre espoir de résistance au Kremlin qui, depuis l’invasion russe menée en Ukraine, a écrasé les libertés et les droits humains.

Même si les Occidentaux se sont sans doute trompés sur le pedigree du plus célèbre détenu de Russie, qui, malgré sa féroce opposition à Vladimir Poutine, restait très nationaliste, Alexeï Navalny a démontré le courage de celui qui pensait pouvoir transformer un jour son pays. En retournant en Russie, il espérait, explique........

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