L’histoire du philanthrope genevois Gustave Revilliod nous le rappelle. Le destin de la Genève internationale, que certains conseillers fédéraux préfèrent appeler la «Suisse internationale», ne tient parfois pas à grand-chose. En 1928, il a fallu un vote «forcé» du Conseil municipal de Genève, entérinant une entorse au testament du mécène, pour léguer à la Société des Nations le terrain dont elle rêvait et à Genève un avenir international d’importance.

Après la SdN, l’installation du siège européen des Nations unies a permis à Genève d’éclore sur le plan international. Aujourd’hui, les acquis sont toutefois plus fragiles qu’il n’y paraît. En crise de liquidités due aux arriérés des Etats membres et à l’explosion des factures d’électricité, l’ONU a dû fermer le Palais des Nations pendant deux semaines durant la période de Noël.

Sur ce sujet: Gustave Revilliod, une figure oubliée qui a contribué à l’essor international de Genève

Les réductions de 4000 postes de travail au CICR, de 900 à l’agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), le sous-financement chronique du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et les fortes diminutions budgétaires auprès d’ONG illustrent un monde où le multilatéralisme n’arrive plus à convaincre de son absolue nécessité pour résoudre les crises globales. Face à ce questionnement existentiel, la Genève internationale ne peut se contenter de gérer les affaires courantes. Si elle ne prend pas l’initiative, le risque de marginalisation est réel. La Conférence du désarmement n’a pour l’heure qu’un seul mérite: celui d’exister et de faire exister d’autres organisations autour d’elle. Mais avec une hausse des tensions géopolitiques et militaires, on est en droit d’attendre bien davantage d’elle.

Face au risque de développement anarchique de l’intelligence artificielle, l’Union internationale des télécommunications doit aussi fortement hausser son jeu pour tenter d’unifier les différentes conceptions des Chinois et Occidentaux. En ce sens, l’ambition du Gesda (l’anticipateur pour la science et la diplomatie de Genève) de créer un institut quantique au CERN pour faire en sorte que cette technologie bénéficie à tous à l’avenir est juste. Mais pour qu’il ait une chance de réussir face aux géants de la tech et aux grandes puissances, il faut mettre les moyens. Pour l’heure, ceux-ci sont très limités.

Malgré le coût de la vie élevé qui y règne, Genève doit persuader qu’elle reste le site multilatéral par excellence par la plus-value qu’elle apporte. Or l’écosystème genevois est encore trop cloisonné. Sa riche diversité est sa force et sa faiblesse. Il suffit qu’une grande organisation réduise sa voilure pour impacter tout le système. La concurrence est mondiale. Mais elle se rapproche dangereusement de Genève. La France, qui accueille déjà le Forum sur la paix, aimerait faire venir à Paris la FIFA et d’autres fédérations sportives installées en Suisse. Avant d’attirer peut-être d’autres organisations multilatérales…

QOSHE - Nuages sur la Genève internationale - Stéphane Bussard
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Nuages sur la Genève internationale

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03.01.2024

L’histoire du philanthrope genevois Gustave Revilliod nous le rappelle. Le destin de la Genève internationale, que certains conseillers fédéraux préfèrent appeler la «Suisse internationale», ne tient parfois pas à grand-chose. En 1928, il a fallu un vote «forcé» du Conseil municipal de Genève, entérinant une entorse au testament du mécène, pour léguer à la Société des Nations le terrain dont elle rêvait et à Genève un avenir international d’importance.

Après la SdN, l’installation du siège européen des Nations unies a permis à Genève d’éclore sur le plan international. Aujourd’hui, les acquis sont toutefois plus fragiles qu’il n’y paraît. En crise de liquidités due aux arriérés des Etats membres et à l’explosion des factures........

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