On ne répétera jamais assez que le cinéma a été inventé pour être une expérience collective, que malgré le développement rapide de projecteurs destinés au cercle familial un film est fait pour être vécu en groupe, au milieu d’une foule d’inconnus, ce qui démultiplie les émotions. Au soir du 28 décembre 1895, lorsque à Paris le Grand Café accueillait la première séance commerciale de l’histoire du 7e art, le public a rigolé comme un corps unique face à L’Arroseur arrosé.

Cette idée du cinéma comme expérience collective a été mise à mal en 2020 lorsque le covid a contraint les lieux de culture à fermer. Une aubaine pour les plateformes de streaming, qui ont vu leurs abonnés croître de manière vertigineuse, tandis qu’une fois encore on annonçait la mort des salles. Or voici que la fréquentation est repartie à la hausse en 2023. Et mieux encore, de petites salles indépendantes romandes ont même vu leur nombre d’entrées augmenter par rapport à 2019, comme un signe qu’après une overdose de streaming, une partie du public a consciemment choisi de continuer à vivre en parallèle la magie des projections dans une salle obscure, sans distractions annexes. A Genève, Les Scala, Le City et Le Nord-Sud ont par exemple attiré 153 600 spectateurs en 2023, un excellent résultat même si la comparaison est difficile avec l’avant-covid, la configuration du Nord-Sud ayant changé en août 2019, passant d’une à deux salles.

On l’oublie parfois à l’heure où les multiplexes sans âme constituent l’essentiel du parc cinématographique, mais les salles de quartier sont des lieux de sociabilisation essentiels, et plus encore dans les régions périphériques. Un cinéma favorise les rencontres, on peut y aller en groupe, mais aussi en solo et finir par échanger avec d’autres cinéphiles. Publié en 2016 sous la direction de Sandra Walti et Tina Schmid (Christoph Merian Verlag), l’ouvrage Rex, Roxy, Royal propose un tour de Suisse à la découverte des salles indépendantes. Dont quelque 35 cinémas romands, de La Grange à Delémont à Cinesion, en passant par La Bobine au Sentier, le Royal à Sainte-Croix, le Sirius à Châtel-Saint-Denis, les Arcades à Neuchâtel ou encore les Rex à Fribourg. Autant de salles qui fonctionnent souvent grâce à des équipes en partie bénévoles, et que les collectivités doivent absolument soutenir, comme elles soutiennent les théâtres.

QOSHE - Les cinémas comme lieux de sociabilisation - Stéphane Gobbo
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Les cinémas comme lieux de sociabilisation

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13.01.2024

On ne répétera jamais assez que le cinéma a été inventé pour être une expérience collective, que malgré le développement rapide de projecteurs destinés au cercle familial un film est fait pour être vécu en groupe, au milieu d’une foule d’inconnus, ce qui démultiplie les émotions. Au soir du 28 décembre 1895, lorsque à Paris le Grand Café accueillait la première séance commerciale de l’histoire du 7e art, le public a rigolé comme un corps unique face à L’Arroseur arrosé.

Cette idée du cinéma comme expérience collective a été mise à mal en 2020 lorsque le covid a........

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