La tradition humanitaire de la Suisse se fissure, dénonce l’organisation non gouvernementale Alliance Sud dans une prise de position diffusée mardi. En cause, la position pour le moins attentiste, pour ne pas dire complice, de Berne quant au financement de l’Unrwa, l’agence onusienne pour les réfugié·es palestinien·nes.

Lundi, le rapport d’expert·es mandaté·es par l’ONU et placé sous la présidence de l’ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna a en effet relevé que les enquêteur·rices n’ont pas reçu de preuves par Israël d’une implication de membres de l’Unrwa dans les massacres du 7 octobre, comme le prétend l’Etat hébreu.

C’est sur la base des ces allégations que plusieurs pays, dont la Suisse, ont suspendu leur quote-part au financement de l’agence onusienne. Le rapport d’expert·es a fait bouger les lignes. Mardi, l’Union européenne, premier financeur de l’organisation, a appelé les donateurs de l’agence à maintenir ou à rétablir leur soutien. C’est qu’il y a urgence. Quelque deux millions de personnes sont dans une situation sanitaire et alimentaire dramatique, avec des personnes, dont des enfants, en train de mourir de faim.

Les Etats-Unis ont fait savoir que leur position demeurait inchangée. Une position sur laquelle semble se caler la Suisse, qui veut se laisser le temps d’analyser en détail le rapport Colonna. L’urgence de la situation paraît lui échapper. Une position dans la droite ligne de l’abstention helvétique au Conseil de sécurité lors du vote sur l’adhésion à part entière de la Palestine à l’ONU.

Cette posture pour le moins critiquable aurait été imposée au sein du collège gouvernemental par Ignazio Cassis, le peu visionnaire chef du Département fédéral des affaires étrangères, plus à son aise dans un rôle de VRP (voyageur·euse, représentant·e et placier·ère) pour signer des accords de libre-échange avec des pays plus ou moins démocratiques que pour projeter la Suisse sur la scène internationale.

Le Conseil fédéral, à s’aligner sur les Etats-Unis et Israël, semble perdre de vue que via l’Unrwa, c’est tout l’édifice onusien qui est attaqué. Sa prudence excessive risque de saper la place internationale de la Suisse telle qu’elle s’incarne à Genève. Au-delà du naufrage politique et moral que constitue cette complicité avec un génocide en devenir, si l’on se réfère à l’arrêt de la Cour international de justice, c’est aussi une part de la crédibilité de la Suisse qui est en train d’être sapée par cet attentisme qui confine à la lâcheté.

QOSHE - Attentisme ou complicité - Philippe Bach
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Attentisme ou complicité

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24.04.2024

La tradition humanitaire de la Suisse se fissure, dénonce l’organisation non gouvernementale Alliance Sud dans une prise de position diffusée mardi. En cause, la position pour le moins attentiste, pour ne pas dire complice, de Berne quant au financement de l’Unrwa, l’agence onusienne pour les réfugié·es palestinien·nes.

Lundi, le rapport d’expert·es mandaté·es par l’ONU et placé sous la présidence de l’ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna a en effet relevé que les enquêteur·rices n’ont pas reçu de preuves par Israël d’une implication de membres de l’Unrwa dans les massacres du 7........

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