Marianne : Ce livre a pour ambition, dites-vous, de proposer un regard et des analyses « sahélo-centrés » sur les crises du Sahel. Est-ce à dire que seul le « terrain » ne ment pas ?

Jean-Pierre Olivier de Sardan : Concernant ces crises, dans le Sahel et plus largement en Afrique, je ne discrédite pas par principe les points de vue différents, notamment l’occidental. Ils peuvent, bien sûr, apporter des éléments intéressants mais je n’y adhère pas et ils me semblent effectivement trop loin du terrain et de contextes souvent complexes. Mais attention, je n’ai pas le fétichisme du terrain qui par lui-même révélerait une vérité absolue. Car c’est aussi un terrain que j’interprète, que j’analyse avec ma propre personnalité.

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L’aspect le plus subjectif du chercheur que je suis tient à sa qualité de citoyen, ayant la double nationalité, française et nigérienne. Cela étant, la lecture que l’on peut faire en France des phénomènes survenant au Sahel est fort différente de celle que l’on peut percevoir en étant sur place. L’exemple de la crise migratoire est ainsi typiquement un problème occidental, du moins européen.

Du point de vue de la famille nigérienne lambda, pauvre, la migration est un phénomène normal qui se pratique depuis 80 ans à peu près, et qui permet de joindre les deux bouts. Le migrant envoie de l’argent, il est une bouche de moins à nourrir, etc. C’est dans le registre normal des choses alors que ça devient une crise migratoire pour les Occidentaux. Le regard sahélo-centré est dans cet esprit-là.

Mais la crise migratoire pénalise-t-elle aussi ces pays ?

QOSHE - Jean-Pierre Olivier de Sardan : "La France n'a plus la relation spéciale avec l'Afrique qu'elle imagine" - Alain Léauthier
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Jean-Pierre Olivier de Sardan : "La France n'a plus la relation spéciale avec l'Afrique qu'elle imagine"

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04.12.2023

Marianne : Ce livre a pour ambition, dites-vous, de proposer un regard et des analyses « sahélo-centrés » sur les crises du Sahel. Est-ce à dire que seul le « terrain » ne ment pas ?

Jean-Pierre Olivier de Sardan : Concernant ces crises, dans le Sahel et plus largement en Afrique, je ne discrédite pas par principe les points de vue différents, notamment l’occidental. Ils peuvent, bien sûr, apporter des........

© Marianne


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