Pour le premier ministre du Japon Fumio Kishida, le problème des enlèvements de ressortissants japonais par la Corée du Nord dans les années 1970-1980, reste l’un des problèmes majeurs auquel il se trouve confronté, un horizon indépassable, tant cette question a été élevée au rang de cause nationale. Régulièrement à la une des journaux et des télévisions de l’Archipel, brandie à satiété par tous les premiers ministres japonais sous la pression de l’opinion publique, le cas des 17 kidnappés au Japon – des centaines selon certaines organisations - par des agents nord-coréens lors de la guerre froide reste donc une des causes nationales majeures de dissensions entre les deux pays.

Dans une conférence de presse dimanche 25 février, Takuya Yokota, qui préside le groupe de familles de kidnappées, rappelle que « depuis 2002, aucun de ces otages n’a pu revenir au Japon et que pour les familles le temps presse ». Lui-même n’est autre que le frère de Megumi Yokota kidnappée par des agents nord-coréens à l’âge de 13 ans. Leur mère, Sakie Yokota a eu 88 ans en février alors que leur père est décédé en 2020. Cinq de ces kidnappés ont pu revoir leur pays suite à la visite en 2002 du Premier ministre de l’époque Junichiro Koizumi.

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Pour les autres, la Corée du Nord prétend que huit sont maintenant décédés et que les quatre autres ne sont jamais entrés sur le territoire national. Le travail de comités nippo-coréen successifs, visant à résoudre cette question épineuse, n’a donc jamais abouti. Par la suite, la Corée du Nord a toujours apporté une fin de non-recevoir aux demandes réitérées de Tokyo. Le Japon qui est associé aux sanctions globales contre une Corée du Nord possédant l’arme nucléaire ainsi qu’un programme de développement de missiles balistiques, y a donc ajouté d’autres sanctions comme le gel des avoirs individuels dans l’Archipel ainsi que l’interdiction des ports à tout bateau arborant le drapeau nord-coréen.

Laisser au gouvernement japonais un espace de dialogue avec le régime honni nord-coréen

Le groupe de soutien aux familles a néanmoins annoncé ce dimanche 25 février faire un pas à la suite des déclarations de Kim Yo Jong, la puissante sœur du leader nord-coréen, qui a tendu une rare perche au Japon, en laissant entendre il y a deux semaines la possibilité d’une visite du premier ministre en Corée du Nord dans des délais assez bref. C’est dans ce sens que doit être comprise la « difficile décision » prise par l’association des familles des victimes selon les termes mêmes de Takuya Yokota, laquelle accepterait que le Japon lève certaines de ces sanctions contre Pyongyang en échange d’un résultat tangible sur le front des kidnappés. Il s’agit en somme de laisser au gouvernement japonais un espace de dialogue avec le régime honni nord-coréen.

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Dans son télégramme du 15 février 2024, la sœur du leader avait cependant précisé que cette invitation au Premier ministre japonais ne pourrait se faire que si Tokyo allégeait ses sanctions et admettait que le problème de kidnappés était résolu. Ce à quoi le gouvernement japonais avait répondu qu’une telle affirmation était « totalement inacceptable ». Le groupe des familles considère néanmoins et en écho avec le gouvernement japonais, que la proposition de la Corée du Nord d’une visite, ainsi que le message de sympathie que Kim Jong avait envoyé tout de suite après le tremblement de terre d’Ishikawa au Nouvel An, étaient de nature à un rapprochement en vue peut-être d’une solution concernant ces disparus.

Le gouvernement japonais, largement effacé dans les tractations diplomatiques et les sommets entre les leaders de La Corée du Sud, de la Chine de la Russie et des États-Unis, voit là incontestablement une possibilité de revenir dans le jeu diplomatique

À Tokyo, où on peut régulièrement voir les hommes politiques porter au revers de leur veste un pin’s bleu indiquant leur soutien au retour des disparus, le gouvernement assure qu’il ne parlera à Pyongyang que si le problème des kidnappés est remis clairement sur la table. Le groupe des défenseurs s’inquiète cependant que cette perche tendue par la Corée du Nord, ne serve à une certaine normalisation des relations entre les deux pays au détriment de leur cause.

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De fait, le gouvernement japonais, largement effacé dans les tractations diplomatiques et les sommets entre les leaders de La Corée du Sud, de la Chine de la Russie et des États-Unis, voit là incontestablement une possibilité de revenir dans le jeu diplomatique même si on ne sous-estime pas dans ce rapprochement la possible visée d’une Corée du Nord cherchant à sortir de son isolement en enfonçant un coin dans les relations trilatérales et bilatérales entre Tokyo, Séoul et Washington.

Quant à Fumio Kishida, aux prises avec une opinion publique qui lui est largement défavorable, une telle visite serait évidemment du pain béni. Le premier ministre japonais se verrait bien là comme Koizumi en 2002, en sauveur, à régler ce problème des enlèvements qui assurément lui vaudrait un regain de faveur dans l’Archipel dont il a le plus grand besoin.

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Ressortissants japonais enlevés par la Corée du Nord : bientôt un dialogue ?

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05.03.2024

Pour le premier ministre du Japon Fumio Kishida, le problème des enlèvements de ressortissants japonais par la Corée du Nord dans les années 1970-1980, reste l’un des problèmes majeurs auquel il se trouve confronté, un horizon indépassable, tant cette question a été élevée au rang de cause nationale. Régulièrement à la une des journaux et des télévisions de l’Archipel, brandie à satiété par tous les premiers ministres japonais sous la pression de l’opinion publique, le cas des 17 kidnappés au Japon – des centaines selon certaines organisations - par des agents nord-coréens lors de la guerre froide reste donc une des causes nationales majeures de dissensions entre les deux pays.

Dans une conférence de presse dimanche 25 février, Takuya Yokota, qui préside le groupe de familles de kidnappées, rappelle que « depuis 2002, aucun de ces otages n’a pu revenir au Japon et que pour les familles le temps presse ». Lui-même n’est autre que le frère de Megumi Yokota kidnappée par des agents nord-coréens à l’âge de 13 ans. Leur mère, Sakie Yokota a eu 88 ans en février alors que leur père est décédé en 2020. Cinq de ces kidnappés ont pu revoir leur pays suite à la visite en 2002 du Premier ministre de l’époque Junichiro Koizumi.

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© Marianne


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