« Pendant la crise, j’ai été sollicité 80 fois en dix jours par téléphone pour parler des agriculteurs, tous voulaient que je vienne en plateau : BFMTV, LCI, etc.Paraît que je suis une voix de l’agriculture. » C'est qu'Édouard Bergeon, comme il nous l'explique dans cet entretien, ne se sent pas de jouer à Monsieur Colère des agriculteurs de plateau en plateau, entre le dernier fait divers et la publicité. Il faut dire que les programmateurs de chaînes qui ont transformé son téléphone en bipeur vibrant de restauration rapide ne se sont pas trompés : il est le réalisateur d'Au nom de la Terre (2019), dans lequel Guillaume Canet incarnait un agriculteur dépassé, croulant sous les dettes, qui finit par se suicider. Personnage inspiré de son propre père.

Au-delà de ce film, et de son prochain opus en salle le 27 mars, La promesse verte (qui a pour cadre la déforestation et l'huile de Palme en Indonésie et à propos duquel nous publierons un second entretien au moment de la sortie), Édouard Bergeon réalise et produit des documentaires. Sur les agriculteurs, citons Les fils de la Terre (sur le suicide des paysans) en 2012, ou bien L'amour vache en 2023, et Les femmes de la Terre, diffusé ce mardi 27 février à 21 h 10 sur France 2.

S'il n'a pas souhaité parler deux minutes sur les chaînes d'info en continu, Edouard Bergeon a accepté de répondre avec ferveur et franc parler (il en a renversé son verre d'eau) aux questions de Marianne. Nous voulions savoir s'il n'avait pas un peu l'impression d'incarner une force qui manque aux agriculteurs dans la bataille : un soft power. Il accepte le terme, et revendique « pouvoir faire des focus, avec une caméra, sur des phénomènes de société ». Par la télé, ou par le cinéma « deux jambes » qu'il affectionne, « pour un même combat ». Lui, journaliste, était pourtant novice en cinéma avant Au nom de la terre, comme il nous le raconte…

Marianne : Avec Au nom de la Terre, n’avez-vous pas eu l’impression de mettre les « Français d’en haut » et les Parisiens devant leur mauvaise conscience ? Voilà une quinzaine d'années que tout le monde est d’accord pour aimer les agriculteurs et dire que quelque chose ne va pas. Mais ils sont restés bien invisibles en dehors de certaines démarches, notamment artistique, comme la vôtre. Comme si son succès (2 millions d'entrées) avait pu les aider à avoir l'opinion publique de leur côté durant leur récente révolte et leur procurer une forme de soft power...

Édouard Bergeon :J'ai vu mon père et ma mère s'égosiller, crier très fort dans leur ferme, mais personne ne les entendait. Au moment où mon père coulait, personne ne l'a aidé pour s'en sortir. Nous, journalistes, on a la chance de pouvoir faire des « focus », avec une caméra sur des phénomènes de société. Par la télé, ou par le cinéma maintenant, deux jambes que j’affectionne, pour un même combat. Peut-être qu’un jour je réaliserai un film de science-fiction. Mais mon cinéma est nourri de réalité et je veux continuer à faire ça.

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Édouard Bergeon : "Les gens confinés adoraient la campagne pour Instagram ? Vous pouvez revenir !"

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19.02.2024

« Pendant la crise, j’ai été sollicité 80 fois en dix jours par téléphone pour parler des agriculteurs, tous voulaient que je vienne en plateau : BFMTV, LCI, etc.Paraît que je suis une voix de l’agriculture. » C'est qu'Édouard Bergeon, comme il nous l'explique dans cet entretien, ne se sent pas de jouer à Monsieur Colère des agriculteurs de plateau en plateau, entre le dernier fait divers et la publicité. Il faut dire que les programmateurs de chaînes qui ont transformé son téléphone en bipeur vibrant de restauration rapide ne se sont pas trompés : il est le réalisateur d'Au nom de la Terre (2019), dans lequel Guillaume Canet incarnait un agriculteur dépassé, croulant sous les dettes, qui finit par se suicider. Personnage inspiré de son propre........

© Marianne


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