Marianne : Pourquoi avoir choisi de « transformer la peur en curiosité, le monstre en merveille » ?

Nicolas Gilsoul : Nous avons perdu notre proximité avec le monde naturel et l'avons remplacé par des fantasmes. Nos croyances, nourries par un manque de connaissance du vivant provoquent la peur. Et nos peurs nous poussent souvent à éliminer ce que l'on ne comprend pas ou qui nous paraît dangereux. Nous vivons une érosion de la biodiversité sans précédent, chaque jour ce sont plusieurs espèces animales et végétales qui disparaissent pour toujours de notre planète. Elles ne reviendront pas. La résilience extraordinaire de la nature ne peut rien contre l'extinction. C'est définitif. Or parmi ces espèces que nous mettons en péril, parfois sans même en avoir conscience, la plupart s'avèrent être des alliés inestimables dans notre propre survie.

Beaucoup nous font peur, leur aspect nous rebute, nos légendes les ont dépeints comme des monstres, nous avons pris plaisir à frissonner devant leurs crocs ou le bruit de leurs ailes membraneuses qui nous dégoûtent. Pourtant, la méduse pourrait bien détenir le secret de l'immortalité, comme le protée qui ressemble à un bébé dragon aveugle. La chauve-souris résiste aux pires virus dont elle est parfois le vaisseau, comprendre comment et pourquoi nous permettra de nous en protéger. Les requins ont une peau constituée de millions de petites dents fuselées de telle manière qu'ils glissent sans un bruit dans les mers, ce que beaucoup de nos plongeurs rêveraient de pouvoir faire.

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Au-delà de toutes ces adaptations aux milieux parfois extrêmes dans lesquelles vivent ces créatures à nos yeux monstrueuses ou effrayantes et qui nourrissent la recherche des ingénieurs, des pharmaciens, des physiciens et même des créateurs de nos villes futures, ces animaux participent à l'équilibre de notre planète. Ils jouent tous des rôles dans le maintien de la vie et dans la qualité de nos environnements. Certaines guêpes pollinisent nos fleurs, sans elles, nous ne pourrions pas manger de figues qui ont besoin de leurs talents pour fructifier. Certains requins patrouillent en bande au-dessus des herbiers sous-marins et éloignent l'appétit des herbivores comme les tortues ou d'autres poissons gourmands.