Marianne : Comment La République des imposteurs (Perrin) a-t-il vu le jour ?

Éric Branca :Par le biais d’une… révélation ! Pas religieuse, vous l’imaginez bien, mais d’ordre historique, née d’une coïncidence qui s’est produite en 2021. Cette année-là, je travaillais sur des archives ayant appartenu à Jacques Foccart – le futur créateur de la « Françafrique » dont on sait moins qu’il fut, avant cela, l’un des hommes forts du RPF (le Rassemblement du Peuple français, fondé et présidé par de Gaulle, entre 1947 et 1953). Et que faisait alors Foccart, dans l’ombre du Général ? Ce qu’il savait le mieux faire comme ancien membre du BCRA (les services secrets de la France libre) : du Renseignement… Autrement dit, il accumulait des dossiers sur le personnel politique de l’époque. Pas seulement pour avoir prise sur les adversaires du Général en enquêtant, par exemple, sur leurs activités sous l’Occupation – même si, vous l’imaginez bien, cet aspect l’intéressait vivement – mais aussi pour empêcher que d’anciens collabos n’infiltrent le RPF !

Et voici qu’au même moment, je découvre – avec presque 25 ans de retard, nul n’est parfait ! – le formidable film de Jacques Audiard, Un héros très discret, avec Mathieu Kassovitz. En deux mots, c’est l’histoire d’un Français ordinaire qui a passé une guerre plutôt tranquille – sans résister mais sans collaborer non plus –, bref un Français comme beaucoup d’autres qui, à la suite d’un concours de circonstances, réussit à se faire passer pour un héros de la France libre et à devenir lieutenant-colonel dans l’armée de la Libération sans que personne ne se doute de la supercherie, tant il est doué pour le mensonge !

Et c’est à ce moment que le choc se produit : je me rends compte que, comparé aux dossiers que j’ai sous les yeux, ce film de Jacques Audiard qui raconte l’aventure d’un mythomane qui change d’identité, est finalement très en deçà de la réalité de l’époque. Cet aspect des choses, je l’avais largement sous-estimé. Et avec moi la plupart de ceux qui se sont intéressés à la période… C’est ce qui m’a poussé à combler cette lacune et à me plonger, par le biais de quelques destins hors du commun, dans cette séquence très mal connue du XXe siècle.

Pourquoi cette période est-elle négligée ?

On ne retient trop souvent de la IVe République que le plus connu, à savoir ses prémisses – la Libération et l’épuration – et surtout sa fin : les guerres coloniales qui ont provoqué sa chute… Mais on parle rarement de ce que fut ce régime pour beaucoup de personnages douteux : l’occasion d’un nouveau départ. Il n’y a pas que l’Allemagne qui, en 1945, a connu son « année zéro ». La France aussi et ce ne fut pas, si j’ose dire, toujours très joli-joli ! Beaucoup de secrets sont restés ensevelis sous les gravats des grands chantiers de la reconstruction.

QOSHE - "La République des imposteurs" d'Éric Branca : l'histoire folle de ces collabos reconvertis dans l'épuration - Etienne Campion
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"La République des imposteurs" d'Éric Branca : l'histoire folle de ces collabos reconvertis dans l'épuration

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21.03.2024

Marianne : Comment La République des imposteurs (Perrin) a-t-il vu le jour ?

Éric Branca :Par le biais d’une… révélation ! Pas religieuse, vous l’imaginez bien, mais d’ordre historique, née d’une coïncidence qui s’est produite en 2021. Cette année-là, je travaillais sur des archives ayant appartenu à Jacques Foccart – le futur créateur de la « Françafrique » dont on sait moins qu’il fut, avant cela, l’un des hommes forts du RPF (le Rassemblement du Peuple français, fondé et présidé par de Gaulle, entre 1947 et 1953). Et que faisait alors Foccart, dans l’ombre du Général ? Ce qu’il savait le mieux faire comme ancien membre du BCRA (les services secrets de la France libre) : du........

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