La mobilisation des agriculteurs ralentit depuis, notamment, la suspension du plan Ecophyto (de réduction des pesticides) et l'abandon de l'indicateur de mesure « Nodu », annoncé ce 21 février, concernant lui aussi les pesticides. Preuve qu'une tension existe entre deux impératifs : écologique, d'un côté, productif et financier, de l'autre. Le débat consiste à savoir comment ils sont réconciliables et comment l'écologie peut devenir un levier et non un boulet pour sortir l’agriculture de la crise. Sauf que pour poser ainsi le débat, il faut bien sortir des phrases toutes faites et de la pensée-slogan. Car il s'agit à la fois de comprendre comment les nécessités environnementales peuvent compliquer la vie des agriculteurs, et de mesurer les responsabilités du système économique auquel ils sont intégrés dans l'aggravation de la situation écologique.

Pour en discuter, Marianne a voulu réunir deux représentantes de ces deux mondes, écologique et agricole, issues de la « nouvelle génération ». Anne-Cécile Suzanne est agricultrice et consultante en stratégie pour les acteurs de l’alimentaire chez Kea. Autrice du récent Les Sillons que l’on trace (Fayard), dans lequel elle raconte les difficultés du métier, elle qui a choisi de reprendre l'exploitation de son père décédé. Camille Étienne est activiste pour la justice climatique, autrice de Pour un soulèvement écologique : dépasser notre impuissance collective (Seuil).

Marianne : La première question ne doit-elle pas consister à se demander comment les agriculteurs composent concrètement, au quotidien, avec l'impératif écologique ? Anne-Cécile Suzanne, vous êtes directement concernée…

Anne-Cécile Suzanne :Pour vous répondre, je reviendrai aux fondamentaux. L’agriculture consiste à travailler avec la nature. L’enjeu, pour un agriculteur, est de faire en sorte que cette nature-là soit la plus productive possible, le plus longtemps possible. Dans ce cadre, de décider d’enrichir les sols, de travailler sur le long cours pour que, de manière générale, ce qui pousse soit en meilleure santé possible.

Dans mon exploitation, je travaille en polyculture-élevage, avec à la fois la production de grandes cultures (blé, maïs, orge, colza…) et l'élevage de bovins, qui pâturent sur des prairies en mode extensif. Je travaille avec ces deux composantes de manière à être la plus écologique et circulaire possible. Par exemple, les cultures qui ne sont pas de qualité suffisante pour la nourriture humaine peuvent nourrir les animaux. La paille produite sur l’exploitation sert de litière au cheptel l’hiver, avant d’être restituée aux sols de culture sous forme de fumier, ce qui rend ces sols riches en matière organique et toujours plus vivants. Ces circularités sont à mon sens éminemment écologiques. Et c’est ce que font beaucoup d’agriculteurs aujourd’hui en France.

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"Personne ne naît amoureux du glyphosate" : l'écolo Camille Étienne vs. l'agricultrice Anne-Cécile Suzanne

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21.02.2024

La mobilisation des agriculteurs ralentit depuis, notamment, la suspension du plan Ecophyto (de réduction des pesticides) et l'abandon de l'indicateur de mesure « Nodu », annoncé ce 21 février, concernant lui aussi les pesticides. Preuve qu'une tension existe entre deux impératifs : écologique, d'un côté, productif et financier, de l'autre. Le débat consiste à savoir comment ils sont réconciliables et comment l'écologie peut devenir un levier et non un boulet pour sortir l’agriculture de la crise. Sauf que pour poser ainsi le débat, il faut bien sortir des phrases toutes faites et de la pensée-slogan. Car il s'agit à la fois de comprendre comment les nécessités environnementales peuvent compliquer la vie des agriculteurs,........

© Marianne


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