À quoi servent les élections européennes ? La question peut paraître provocatrice dans la bouche d'un partisan du maintien de l'indépendance française. Ces élections ont bien des défauts. Elles n'ont été créées que pour légitimer, par un organe d'apparence démocratique – le Parlement européen –, une gouvernance conçue depuis Maastricht pour contourner la démocratie et retirer leur souveraineté aux États et aux peuples. Malgré toute la communication sur la « colégislation » par le Parlement et le Conseil, la réalité des rapports de force à Bruxelles fait que la Commission impose ses diktats.

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Surtout, ce Parlement reste soumis aux traités européens qui gravent dans le marbre la vraie foi qu'il doit servir : la concurrence dans tous les domaines, la destruction des services publics, la privatisation de tout comme dogme et comme but, la suppression des frontières intérieures et extérieures pour les hommes, les capitaux et les marchandises, le gouvernement des juges contre la démocratie, l'exaltation des minorités, la soumission à Washington et à son idéologie communautariste, l'abaissement des nations, de leur voix et de leur destin propres. Les Français ne s'y trompent d'ailleurs pas : ils boudent largement les élections européennes. À certains égards, elles pourraient être le symbole même de la crise de la démocratie que nous vivons – crise qui tient moins à une mauvaise représentation par les élus qu'à leur impuissance organisée : à quoi bon voter si cela ne change rien à notre vie ?

Pourtant, avec leurs innombrables défauts, les élections européennes restent malgré tout une occasion pour s'exprimer devenue rare, très rare depuis que le pouvoir n'organise plus de référendum, c’est-à-dire depuis la défaite des européistes en 2005, désagréablement surpris du rappel par le peuple qu’il a une volonté.

« Les forces européistes confrontées aux difficultés qui s'accumulent. »

Paradoxalement, leurs modalités en font des élections ouvertes : pas de scrutin majoritaire par circonscription qui favorise les grands partis, comme aux législatives ; pas de 500 signatures de maires sous pression pour empêcher toute nouvelle candidature, comme à la présidentielle ; mais un scrutin national permettant aux listes ayant obtenu 5 % d'obtenir au moins cinq élus. Puisqu’aucun des grands partis ne remet sérieusement en cause les traités européens, cette élection est donc une occasion pour les Français de redire non. Les élections européennes peuvent être détournées.

Prendre ainsi la parole est d'autant plus indispensable que les forces européistes (Renew d’Emmanuel Macron, le PPE d'Ursula von der Leyen, le PS de Raphaël Glucksmann, EELV) confrontées aux difficultés qui s'accumulent, sont lancées dans une triple fuite en avant. D'abord vers la guerre, illustrée par les déclarations bellicistes irresponsables du président Macron ou encore par celles du Malraux des salons parisiens, Raphaël Glucksmann ; ensuite vers l'élargissement, avec la promesse faite à l'Ukraine et à la Moldavie d'entrer dans l'Union, ce qui achèverait de ruiner des pans entiers de l'économie française ; enfin vers l'approfondissement, avec la fin programmée du vote à l'unanimité au Conseil européen – le tout sans demander le moins du monde leur avis aux peuples européens.

Le dernier point, l’approfondissement, intimement lié aux deux premiers, est l’aspect le plus crucial de la bataille politique qui s’annonce : la fin du vote à l'unanimité au Conseil – c’est-à-dire, la fin du veto des États membres – signifie la fin définitive de toute souveraineté pour la France. L’Europe sera alors fédérale, dirigée par une Commission accaparant le véritable pouvoir exécutif. Ce sera la fin de la Nation française – les partis européistes le veulent.

La guerre en Ukraine est utilisée, sur le dos des Ukrainiens à qui on fait miroiter la promesse d’entrer dans l’UE, pour justifier cette fédéralisation selon l’argument qu’il faut nous défendre contre une Russie menaçant de s’attaquer à l’Europe. L’escalade guerrière sert à passer sous silence les graves échecs de l’Union européenne, la crise économique, les problèmes multiples qui frappent notre pays et l’effacement de la démocratie au profit d’une oligarchie corrompue. Comme Jean Jaurès avant 1914, nous refusons la fuite vers la guerre, voulue par des inconscients qui n’ont pour seul objectif que de maximiser leur pouvoir sous couvert de défendre le Bien.

« Nous voulons que puisse se faire entendre la voix de la France périphérique et des perdants de la mondialisation. »

Loin de ceux qui instrumentalisent les bruits de bottes et jouent avec le feu pour réaliser un coup d’État institutionnel au niveau européen, nous voyons dans ces élections l'occasion d'imposer dans le débat public la voix du peuple français, ce peuple qui reste attaché au modèle républicain – universaliste, laïc, indépendant, axé sur des services publics et un système social solidaire –, contre le travail de sape des pouvoirs successifs et de leurs alliés de Bruxelles.

Nous voulons que puisse se faire entendre la voix de la France périphérique et des perdants de la mondialisation, des Français qui ne parviennent plus à survivre alors qu'ils travaillent dur, des agriculteurs et chefs de petites et moyennes entreprises étranglées pour que les multinationales maximisent leurs profits, des habitants des banlieues pauvres qui veulent vivre en sécurité et en fraternité. Malgré la tripartition artificielle de la vie politique, les Français se retrouvent sur beaucoup de sujets : ils soutiennent le mouvement des gilets jaunes, des agriculteurs ou des soignants en colère ; ils déplorent la réforme des retraites, les atteintes à la laïcité et l’insécurité au quotidien ; ils refusent les tentatives de privatisation des services publics et l’infâme marché européen de l’électricité.

Ces élections doivent se transformer en référendum, pour que les Français puissent dire trois fois non : non à la dérive incontrôlée vers une guerre qui ne servira que quelques intérêts financiers ; non à la dérive vers un élargissement de l'Union à des pays avec lesquels la concurrence ne peut être que déloyale ; non à une fédéralisation qui confisquerait définitivement la souveraineté aux citoyens. À noter que, malgré le matraquage médiatique, les délires européistes ne sont soutenus que par une petite minorité de Français : 23 % veulent envoyer des troupes au sol, 29 % veulent l'entrée de l'Ukraine dans l'UE et 31 % sont pour une souveraineté européenne. Le camp du non de 2005 est plus fort que jamais.

« La France du non a besoin d'un porte-voix fidèle. »

C'est pourquoi nous avons décidé de proposer une liste citoyenne, ouverte à toutes les bonnes volontés qui seraient prêtes à se rassembler autour de ces convictions partagées. Cette liste, « Nous le peuple », veut briser le monopole des politiciens professionnels et permettre aux Français de voter pour une France qui ne renie aucune des caractéristiques de son génie propre.

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Que feront les eurodéputés que nous espérons faire élire ? Ils voteront d'abord, lorsque c'est possible, en fonction des intérêts de la France – et de rien d'autre. Mais, les occasions de peser réellement sur la législation n'étant pas fréquentes, ils auront surtout à cœur de se faire les tribuns du peuple français – tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'hémicycle.

Nous aurons enfin la satisfaction de voir nos représentants défendre les principes républicains contre l'idéologie du libre-échange, de l'uniformisation du monde et de la destruction de l’État, de la laïcité et des solidarités. Contre l'effacement volontaire de l'Europe devant le patron états-unien, ils défendront l'idée gaullienne d'une Europe des Nations, quitte à d’abord détruire ou sortir de cette UE. Contre la prétendue écologie néolibérale et hypocrite du greenwashing, qui détruit notre agriculture, ils défendront la planification et l’État stratège – évidences partagées par les Français mais interdites par les traités européens.

Le peuple français n’approuve pas les décisions prises sans lui et contre lui, depuis Maastricht. La France du non a besoin d'un porte-voix fidèle : « Nous le peuple » !

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Georges Kuzmanovic : "Nous présentons une liste citoyenne aux européennes, pour dire non... 3 fois non"

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12.03.2024

À quoi servent les élections européennes ? La question peut paraître provocatrice dans la bouche d'un partisan du maintien de l'indépendance française. Ces élections ont bien des défauts. Elles n'ont été créées que pour légitimer, par un organe d'apparence démocratique – le Parlement européen –, une gouvernance conçue depuis Maastricht pour contourner la démocratie et retirer leur souveraineté aux États et aux peuples. Malgré toute la communication sur la « colégislation » par le Parlement et le Conseil, la réalité des rapports de force à Bruxelles fait que la Commission impose ses diktats.

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Surtout, ce Parlement reste soumis aux traités européens qui gravent dans le marbre la vraie foi qu'il doit servir : la concurrence dans tous les domaines, la destruction des services publics, la privatisation de tout comme dogme et comme but, la suppression des frontières intérieures et extérieures pour les hommes, les capitaux et les marchandises, le gouvernement des juges contre la démocratie, l'exaltation des minorités, la soumission à Washington et à son idéologie communautariste, l'abaissement des nations, de leur voix et de leur destin propres. Les Français ne s'y trompent d'ailleurs pas : ils boudent largement les élections européennes. À certains égards, elles pourraient être le symbole même de la crise de la démocratie que nous vivons – crise qui tient moins à une mauvaise représentation par les élus qu'à leur impuissance organisée : à quoi bon voter si cela ne change rien à notre vie ?

Pourtant, avec leurs innombrables défauts, les élections européennes restent malgré tout une occasion pour s'exprimer devenue rare, très rare depuis que le pouvoir n'organise plus de référendum, c’est-à-dire depuis la défaite des européistes en 2005, désagréablement surpris du rappel par le peuple qu’il a une volonté.

« Les forces européistes confrontées aux difficultés qui s'accumulent. »

Paradoxalement, leurs modalités en font des élections........

© Marianne


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