« Mon mari et moi avons vu des "paquets d’heures pas sérieusement remplacées" (sic !). À un moment, on en a eu marre (sic !). Comme des centaines de milliers de familles qui, à un moment, ont fait le choix d'aller chercher une solution différente. » Commentaire.

On remarque le style négligé et peu châtié d’une ministre qui pourtant devrait donner l’exemple au lieu de s’autoriser un registre de discours indigne de la responsabilité à assumer : « Des paquets d’heures pas sérieusement remplacées. » Que la chose est bien dite ! Quant au niveau de langue utilisé on peut en mesurer la vulgarité… « On en a eu marre. » Mais jugeons le fond. « La forme c’est le fond qui remonte à la surface » écrivait Victor Hugo. Pourquoi parler de la situation de l’école publique en de tels termes, au lieu d’en assigner les causes et de programmer d’urgence un redressement ? Présenter comme remède le recours à l’école privée, c’est scandaleux pour les élèves dont les familles n’ont pas les moyens de payer. C’est surtout de mauvais augure quand on s’apprête à exercer la fonction de ministre de l’Éducation nationale.

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On reste consterné qu’une déclaration d’abandon de l’école publique au profit de l’école privée soit faite en un tel moment. Certes, les parents ont le droit de scolariser leurs enfants dans des écoles privées. Mais c’est justement une décision privée, qui n’engage qu’eux, et qui n’a pas plus à être approuvée qu’à être condamnée. La nouvelle ministre n’a donc pas à mettre en avant publiquement, dans l’exercice de ses fonctions, un choix de scolarisation de ses enfants strictement personnel. La déontologie laïque est ici bafouée.

« Le financement public d’écoles privées religieuses déroge gravement à la laïcité et prive l’École Publique. »

Que propose donc Madame Oudéa-Castera aux parents qui eux aussi « en ont marre », mais ne peuvent faire comme elle ? C’est pourtant aux plus démunis qu’une nouvelle ministre de l’Éducation nationale devrait d’abord s’adresser. Et ce pour leur dire que dès son entrée en fonction elle ne va pas ménager sa peine pour que toutes les heures de cours soient assurées dans l’école publique. Au lieu de cela, elle donne en exemple son propre abandon de l’école publique !

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Rappelons que du fait de la loi de Michel Debré (décembre 1959) l’État verse chaque année 12 milliards d’euros aux écoles privées sous contrat, qui jouissent en plus des frais de scolarité payés par les parents. Le financement public d’écoles privées religieuses déroge gravement à la laïcité et prive l’École publique, ouverte gratuitement à tous, de fonds qui seraient bien utiles pour améliorer les conditions de travail des enseignants, donc des élèves.

Avec entre autres le remplacement systématique des professeurs absents. L’argent public, qui a une origine universelle, devrait aller à la seule école publique, qui est de portée universelle. Telle serait la justice. Mais aujourd’hui on fait payer par des familles athées le prosélytisme religieux des écoles privées, qui s’ordonnent à des intérêts particuliers. C’est un comble ! Bref, le maintien d’un tel système consacre une école à deux vitesses, pour le malheur des familles les plus démunies. La façon dont la nouvelle ministre de l’Éducation nationale manie comme une évidence un remède qui n’en est pas un n’est guère rassurante.

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Henri Peña-Ruiz : "Madame Oudéa-Castéra, présenter l'école privée comme un remède est scandaleux"

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15.01.2024

« Mon mari et moi avons vu des "paquets d’heures pas sérieusement remplacées" (sic !). À un moment, on en a eu marre (sic !). Comme des centaines de milliers de familles qui, à un moment, ont fait le choix d'aller chercher une solution différente. » Commentaire.

On remarque le style négligé et peu châtié d’une ministre qui pourtant devrait donner l’exemple au lieu de s’autoriser un registre de discours indigne de la responsabilité à assumer : « Des paquets d’heures pas sérieusement remplacées. » Que la chose est bien dite ! Quant au niveau de langue utilisé on peut en mesurer la vulgarité… « On en a eu marre. » Mais jugeons le fond. « La forme c’est le fond qui remonte à la surface » écrivait Victor Hugo. Pourquoi parler de la situation de l’école publique en de tels termes, au lieu d’en assigner les causes et de programmer d’urgence un redressement ? Présenter comme remède le........

© Marianne


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