Ce livre est une formidable leçon de chose à la mode Descola c’est-à-dire, simple dans sa complexité, tout en nuance, humble et précis dans ses observations qu’il fait auprès des chasseurs-cueilleurs d’Amazonie. L’anthropologue nous propose une autre façon d’habiter le monde avec les Achuar (avec qui il a plusieurs fois vécu) tantôt nomades, tantôt sédentaires, qui pratiquent les moissons des plantes, qu’ils apprennent, après tâtonnement, à domestiquer, à cultiver, dans la forêt amazonienne et ce, au rythme des saisons.

Les tribus Maku et Tukano échangent, elles, du manioc contre de la viande de gibier, chassé et autorisé par les esprits, maîtres du gibier. Ces peuples naturels, attachés à des modes de vie, s’inscrivent dans un continuum avec leurs partenaires sociaux que sont les plantes, les animaux apprivoisés, les autres hommes avec lesquels ils développent des relations de dépendance, d’échange, de hiérarchie parfois. Dans ses travaux, Philippe Descola remet en cause l’héritage cartésien de l’homme « maître et penseur de la nature » fruit d’une ontologie occidentale, lui substituant une vision plus globale plaçant l’homme dans un écosystème, comme un vivant parmi les autres. Il permet de ressaisir la question environnementale au prisme de ses enjeux sociétaux, moraux en nous faisant réfléchir sur la notion de culture qui, dit-il n’a pas de validité universelle.

Marianne : Pourquoi avoir dédié votre ouvrage à ces chasseurs-cueilleurs ? Qu’ont-ils à nous apprendre ?

Philippe Descola : Mon objectif est de combattre les fausses idées sur ces sociétés – qu’on a pu qualifier de hordes sauvages, en quête permanente de nourriture – alors que sous ce vocable, on trouve tant de peuples différents. Certains vivent encore, ou ont vécu dans des environnements extrêmement hospitaliers, tout en développant des civilisations très complexes sur le plan de l’organisation sociale, en techniques, en type d’habitats.