Si on avait pris au sérieux les larmes des éléphants lors du tsunami en Thaïlande, on aurait pu sauver tant de vies humaines ! Pleurer aurait donc une vertu inestimable, que revisite Guillaume Le Blanc, dans son dernier livre Oser pleurer. Il s’intéresse à nos pleurs et à nos larmes, à travers leur dimension sociale et rituelle. Le philosophe nous invite, à rebours des poncifs sur la consolation et la fragilité, à questionner ce qui se pense dans les larmes et nous offre une véritable leçon d’optimisme et d’espérance, au prisme de leur formidable pouvoir de transformation individuelle et politique.

Marianne : Les larmes sont souvent assimilées à un manque de contrôle de soi, dévolu à la femme. À la suite des revendications féministes, est-ce encore le cas ?

Guillaume Le Blanc :Les revendications féministes ont changé la signification des larmes. Jusqu’à présent, elles étaient confisquées aux hommes car il ne leur était guère permis de transgresser la frontière de genre qui, depuis le XIXe siècle, assignait les femmes à la sensibilité, aux pleurs, à l’espace privé et les hommes à la virilité, à l’impassibilité, à l’espace public. Ce partage a volé en éclats grâce aux mouvements d’émancipation féministes qui ont permis aux hommes, par ricochets, grâce aux transformations des relations de genre, de redevenir des pleureurs, ce qu’ils avaient pourtant été dans l’histoire mais dans un contexte de domination masculine quasi absolue, si l’on songe aux pleurs des héros grecs d’Homère, de César devant ses soldats ou aux larmes des bourgeois qui imitent les aristocrates au XVIIe et au XVIIIe siècle. Les corps et leurs sécrétions ne sont pas indemnes des luttes sociales et politiques. Il existe une histoire des corps et donc des larmes qui rend la chanson de The Cure de 1979, Boys Don’t Cry, désormais fort heureusement intenable.

QOSHE - Guillaume Le Blanc : "Les larmes sont toujours les armes de celles et de ceux qui n’en ont pas" - Isabelle Vogtensperger
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Guillaume Le Blanc : "Les larmes sont toujours les armes de celles et de ceux qui n’en ont pas"

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21.02.2024

Si on avait pris au sérieux les larmes des éléphants lors du tsunami en Thaïlande, on aurait pu sauver tant de vies humaines ! Pleurer aurait donc une vertu inestimable, que revisite Guillaume Le Blanc, dans son dernier livre Oser pleurer. Il s’intéresse à nos pleurs et à nos larmes, à travers leur dimension sociale et rituelle. Le philosophe nous invite, à rebours des poncifs sur la consolation et la fragilité, à questionner ce qui se pense dans les larmes et nous........

© Marianne


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