C’est toujours un peu inquiétant d’assister à un naufrage politique et intellectuel aussi spectaculaire que celui du président cette semaine. Il a quand même fait très fort. Il s’est emmêlé les pieds dans un tapis qui n’existait pas. Personne ne lui demandait d’organiser un grand débat sur l’agriculture. Ce qu’on pouvait lui demander, pour une fois, c’était de concrétiser ses annonces. Mais une des grandes constantes au bout de dix ans – à Bercy d'abord, à l'Élysée ensuite – c’est que Macron et les clones qui l’entourent sont tellement persuadés de leur génie qu’ils en sont arrivés à croire leur parole performative. C’est quasiment de la magie noire, leur truc. Je dis que des mesures vont être prises rapidement, donc les mesures sont prises rapidement. Abracadabra.

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Sauf que non : dire n’est pas faire. Communiquer n’est pas agir. Les gens qui vivent dans la réalité s’aperçoivent bien que rien ne change. Cette semaine, c’était les agriculteurs qui ont été confrontés à ce monde parallèle d’Emmanuel Macron. Parfois, dans un éclair de lucidité, il panique, Macron. Un grand débat au Salon de l’agriculture en ayant invité les Soulèvements de la Terre et la FNSEA ensemble, sur le papier, c’était disruptif, comme ils disent.

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À un moment, j’ai même trouvé ça culotté. Après tout, confronter ceux qui comprennent que le temps nous est compté si on ne veut pas tous y passer et ceux qui veulent continuer un productivisme dément qui rend tout le monde malade, agriculteurs et consommateurs, au moins, quelque chose en serait peut-être sorti. Un débat, c’est quand on n’est pas d’accord, non ? Mais Macron a dit qu’en fait, il n’avait jamais invité les Soulèvements de la Terre, que c’était rien que des menteries et que la FNSEA, ça restait ses copains pour la vie. Le résultat, c’est qu’il n’y a pas eu de grand débat.

Mais ce n’est pas très grave, parce que comme celui après les Gilets jaunes, un grand débat selon Macron, c’est « je parle, je parle, je parle et voilà, tout est réglé ». « Dis seulement une parole et je serais guéri », comme dans l’Évangile. Heureusement qu’il ne peut pas se représenter une troisième fois, parce qu’il irait guérir les écrouelles dans les hôpitaux, histoire de pallier l’absence de personnel. Mais Macron, c’est aussi le chef des armées. Et donc, après une réunion avec ses partenaires européens sur la situation en Ukraine, il a décidé d’envoyer des troupes au sol. Toujours avec cette idée d’une parole performative. Puisqu’il avait dit qu’il allait envoyer des troupes au sol, c’est que déjà, la 7e compagnie s’apprêtait à sauter sur Kherson.

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Les réactions gênées qui ont suivi de la part des dirigeants de l’UE ont juste prouvé à quel point Macron oscille de plus en plus entre l’hubris et la psychose. Même les journalistes les plus macronistes des chaînes infos en trois lettres ou du service public ont quand même eu un peu de mal. Comment lui expliquer, gentiment, sans le contrarier, que l’UE n’étant qu’une zone de libre-échange faite pour maximiser les superprofits des multinationales et de leurs actionnaires, elle n’a pas d’armée ? Ni de diplomatie, d’ailleurs.

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Pour le consoler, on a envoyé un Mirage 2000 au-dessus de la Baltique suivre un avion militaire russe. On lui a même dit qu’on l’avait intercepté. On espère maintenant, dans toutes les chancelleries, qu’il est un peu calmé. Et puis, ça a fait de belles images pour les agriculteurs qui attendent leurs subventions et le chômeur qui attend la réduction, encore une, de sa durée d’indemnisation. Parce que oui, s’il y a bien une guerre menée par la France, sous Macron, c’est celle contre les pauvres. En fait, plus ça va, plus Macron ressemble à Trump. Il dit n’importe quoi, n’importe quand parce qu’il a envie de le dire, parce qu’il peut le dire.

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Souvenez-vous du sketch de Pierre Dac et de Francis Blanche, « Le Sar Rabindranath Duval » : « Votre sérénité, pouvez-vous me dire quel est le numéro du compte en banque de Monsieur ? » « Oui » « Vous pouvez le dire ? » « Oui ! » « Vous pouvez le dire ??? » « Oui !!! » « Il peut le dire ! Bravo ! Il est vraiment sensationnel ! »

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Salon de l'agriculture, Ukraine… "Macron entre Donald Trump et Pierre Dac"

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29.02.2024

C’est toujours un peu inquiétant d’assister à un naufrage politique et intellectuel aussi spectaculaire que celui du président cette semaine. Il a quand même fait très fort. Il s’est emmêlé les pieds dans un tapis qui n’existait pas. Personne ne lui demandait d’organiser un grand débat sur l’agriculture. Ce qu’on pouvait lui demander, pour une fois, c’était de concrétiser ses annonces. Mais une des grandes constantes au bout de dix ans – à Bercy d'abord, à l'Élysée ensuite – c’est que Macron et les clones qui l’entourent sont tellement persuadés de leur génie qu’ils en sont arrivés à croire leur parole performative. C’est quasiment de la magie noire, leur truc. Je dis que des mesures vont être prises rapidement, donc les mesures sont prises rapidement. Abracadabra.

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Sauf que non : dire n’est pas faire. Communiquer n’est pas agir. Les gens qui vivent dans la réalité s’aperçoivent bien que rien ne change. Cette semaine, c’était les agriculteurs qui ont été confrontés à ce monde parallèle d’Emmanuel Macron. Parfois, dans un éclair de lucidité, il panique, Macron.........

© Marianne


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