Le monstre sacré du cinéma ne semble plus l'être. Reclus en Belgique, déprogrammé des grandes chaînes de télévision, Gérard Depardieu a perdu, petit à petit, tous ses soutiens. Une procédure pour lui retirer sa Légion d’honneur a été mise en œuvre. Même le maire de sa petite ville belge a été interrogé par des journalistes pour savoir s’il devait, oui ou non, « l’accueillir » dans sa commune. Certains de ses amis, qui avaient signé une tribune sans la lire ni en connaître le rédacteur, se sont retirés de cette défense médiatique, en prenant soin de rappeler à leur public qu’ils restaient des fervents défenseurs des droits des femmes avant tout.

Plus personne ne veut de lui. Il est devenu, en quelques semaines, un paria de la société. Après avoir été adulé par le cinéma français. Vous l’avez aimé pour ses excès, ses outrances, sa vulgarité et vous le détestez aujourd’hui pour les mêmes raisons.

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Au crépuscule de l’année 2024, les choses n’ont donc guère changé et le tribunal médiatique que je maudis tant semble même prendre un nouveau tournant avec cette affaire : celui des tribunes et des contre-tribunes. Et des contre-tribunes aux contre-tribunes des premières tribunes. Certains retirent même leur signature de la contre-tribune de la tribune et signent une autre contre-tribune à la contre-tribune qu’ils avaient signée.

C’est à en perdre son latin !

Gérard Depardieu n’a pas encore été jugé qu’il est dorénavant un violeur. Des militantes, parfois même avocates, le présentent tel quel sur les plateaux télé, au mépris des principes les plus fondamentaux.

Même chez les journalistes, c’est le chaos : l’émission « Complément d’enquête » a dû faire dresser un constat d’huissier pour justifier que ses images étaient vraies. Une honte absolue de devoir en arriver là. Et, in fine, une entaille pour notre démocratie dans laquelle la profession de journaliste est un rempart essentiel.

Summum du pire, je crois, la communication outrancière de cette association : « Si vous soutenez un violeur, c’est que vous êtes complice ». Peu important par ailleurs que ce violeur n’ait pas encore été jugé (et donc qu’il soit présumé innocent), qu’il nie les faits et que ses propos, certes immondes, ne soient pas pénalement répréhensibles.

Gérard Depardieu n’a pas encore été jugé qu’il est dorénavant un violeur. Des militantes, parfois même avocates, le présentent tel quel sur les plateaux télé, au mépris des principes les plus fondamentaux qui devraient pourtant couler dans nos veines de défenseur.

Ce monde est devenu fou. Parce que c’est de cela qu’il s’agit : du traitement médiatique outrancier des affaires pénales. De l’ampleur que nous leur donnons. Alors même que le débat est simple : d’un côté, Gérard Depardieu doit pouvoir se défendre des accusations portées contre lui. De l’autre côté, ces accusations doivent être entendues, prises au sérieux et traitées rapidement par la justice pénale.

Défendre, c’est simplement ne pas laisser tomber, ne pas tourner le dos.

Mais soutenir, ce n’est pas être complice. Je ne peux accepter d’entendre cela. Encore plus parce que je suis avocate. Et que je défends des hommes au quotidien. Tous les jours, des femmes soutiennent leurs maris, leurs frères, leurs proches qui sont mis en cause dans des dossiers d’infractions sexuelles. Ce ne sont pas des monstres complices.

Je les vois lors de ces audiences, venir témoigner, souvent en pleurs, honteuses d’avoir partagé la vie de celui qui a reconnu des faits criminels, mais elles le soutiennent malgré tout en sachant parfaitement qu’il sera condamné. Je les vois, je les écoute, elles me touchent. Elles sont là, sans détourner le regard.

Ces femmes sont également dans mon bureau. Jamais l’une d’elles ne m’a dit soutenir les actes de mon client. Jamais. Aucune de ces femmes n’a jamais soutenu le viol.

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Bien sûr, il y a celles qui n’y croient pas, qui crient à l’injustice, à l’innocence ! Peut-on le leur reprocher ? Sont-elles complices elles aussi ? Non, je ne le crois pas : ces femmes ne sont pas des complices. Ce ne sont pas des monstres. Ce sont tout simplement des femmes, des amies, des cousines.

Je les aime, moi, ces épouses, ces mères, ces sœurs qui restent là dans la tempête judiciaire. Qui ont compris que défendre, ce n’est pas valider l’acte de l’autre. Défendre, c’est simplement ne pas laisser tomber, ne pas tourner le dos. Défendre, c’est accompagner, faire en sorte que cet homme change, qu’il comprenne que son comportement n’est plus acceptable, ou interdit par la loi. Et qu’il ne recommence plus jamais.

Derrière la justice, il y a ces femmes qu’il ne faut pas pointer du doigt tellement leur soutien, non pas de l’acte, mais de l’homme, est important. Ces femmes essaient de faire avancer ces hommes. Elles essaient de les comprendre. De les rapprocher de ce qu’ils ne doivent plus être. Elles ne signent aucune tribune, elles luttent, à leur façon, dans le silence médiatique. Et je l’aime, moi, leur silence combatif.

QOSHE - Affaire Depardieu : "Soutenir un accusé n'est pas forcément être complice" - Julia Courvoisier
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Affaire Depardieu : "Soutenir un accusé n'est pas forcément être complice"

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04.01.2024

Le monstre sacré du cinéma ne semble plus l'être. Reclus en Belgique, déprogrammé des grandes chaînes de télévision, Gérard Depardieu a perdu, petit à petit, tous ses soutiens. Une procédure pour lui retirer sa Légion d’honneur a été mise en œuvre. Même le maire de sa petite ville belge a été interrogé par des journalistes pour savoir s’il devait, oui ou non, « l’accueillir » dans sa commune. Certains de ses amis, qui avaient signé une tribune sans la lire ni en connaître le rédacteur, se sont retirés de cette défense médiatique, en prenant soin de rappeler à leur public qu’ils restaient des fervents défenseurs des droits des femmes avant tout.

Plus personne ne veut de lui. Il est devenu, en quelques semaines, un paria de la société. Après avoir été adulé par le cinéma français. Vous l’avez aimé pour ses excès, ses outrances, sa vulgarité et vous le détestez aujourd’hui pour les mêmes raisons.

A LIRE AUSSI : Affaire Depardieu : "Celui que l’on accuse a aussi le droit à la parole"

Au crépuscule de l’année 2024, les choses n’ont donc guère changé et le tribunal médiatique que je maudis tant semble même prendre un nouveau tournant avec cette affaire : celui des tribunes et des contre-tribunes. Et des contre-tribunes aux contre-tribunes des premières........

© Marianne


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