Si je peux aisément comprendre que nos députés sautent sur la moindre occasion médiatique pour déposer une proposition de loi à leur effigie en pensant gagner quelques électeurs, j’avoue l’accepter beaucoup moins lorsqu’il s’agit de notre président.

Nous avons eu droit à « l’homicide routier » à la suite de l’affaire impliquant Pierre Palmade en 2023, terme présenté comme uniquement symbolique parce que les « familles des victimes ne comprennent pas », alors pourtant qu’il bouleverse notre Code pénal en créant une nouvelle catégorie d’homicide : celui qui n’est ni volontaire, ni involontaire.

Nous avons aussi eu droit aux débats sur l’irresponsabilité pénale à la suite de l’affaire dont a été victime Sarah Halimi qui a donné lieu à la loi du 24 janvier 2022. Là encore, « on » ne comprenait pas pourquoi l’accusé, après avoir consommé du cannabis et fait une bouffée délirante, avait été déclaré irresponsable pénalement par plusieurs experts et par différents magistrats.

« La communication mensongère de certains responsables politiques mais aussi de certaines militantes ont ainsi gagné. »

Faire des lois symboliques en touchant en profondeur nos grands principes de droit pénal, sans l’expliquer réellement aux électeurs : telle est aujourd’hui la politique qui nous est offerte. On dirait presque que modifier le Code pénal va faire rentrer certains dans l’histoire de notre démocratie. Cela m’agace. Et je pèse mes mots.

La semaine dernière, et alors que je venais à peine de terminer mon article concernant le refus, justifié, de la France de ratifier une directive européenne modifiant la définition du viol, la presse a fait savoir que le Président de la République, lors d’une réunion avec une association féministe, avait affirmé vouloir intégrer la notion de consentement dans l’incrimination du crime du viol.

Le viol ne serait donc plus un acte sexuel commis par menace, contrainte, violence ou surprise comme défini actuellement par le Code pénal, mais un « acte sexuel non consenti ». La communication mensongère de certains responsables politiques mais aussi de certaines militantes, et surtout, le poids que nos élus donnent aux réseaux sociaux ont ainsi gagné et le Président a viré sa cuti.

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Quelle triste époque, suite logique du « je te crois », ce leitmotiv politico-militant qui n’a qu’un but : faire de la parole d’un plaignant un acte d’accusation irréfragable. Mais « je te crois », et après ? Pensez-vous sincèrement que la justice c’est aussi simple qu’un « je te crois » ? Bien sûr que je les crois mes clientes. Mais donc ?

L’enquête pénale actuelle a pour but de chercher des éléments à charge (et à décharge) contre un suspect présumé innocent. Mais si l’acte sexuel non consenti, dénoncé par une victime, est de facto un crime, l’enquête pénale aura donc le but inverse : chercher des éléments pour innocenter un présumé coupable. C’est ni plus ni moins qu’un renversement du système de preuve pénale.

J’imagine déjà nos policiers et nos procureurs, se lever tous les matins, pour chercher à innocenter celui qui est visé par une plainte pour viol… Passer des heures et des jours entiers à éviter une erreur judiciaire, user du misérable budget de leur service pour mettre hors de cause celui qui pourrait être un violeur. Mais allons plus loin.

« Le consentement doit rester ce qu’il est : un indice de commission d’un crime. Indice qui doit être entendu, cru mais qui doit être débattu, confronté. »

Que se passera-t-il si le plaignant ne réitère pas son absence de consentement lors de l’audience pénale ? Que se passera-t-il s’il revient sur son non-consentement et explique que finalement, il était consentant ? Et que dire de toutes ces victimes qui ne peuvent rien exprimer lors d’un viol ? Il faut être sérieux et arrêter de tordre le droit pénal pour satisfaire telle ou telle association, ou pour jeter quelques fleurs féministes sur son mandat.

Il faut éduquer nos enfants. Leur enseigner ce que l’on peut faire, ce que l’on ne peut pas faire. Il faut expliquer l’intimité, le respect du corps, la liberté de chacun. Et il faut donner les moyens à la justice d’enquêter, de poursuivre, de condamner et de réinsérer.

Quant au consentement, il doit rester ce qu’il est : un indice de commission d’un crime. Indice qui doit être entendu, cru mais qui doit être confirmé, débattu, confronté. Un crime ne peut pas être commis du seul fait d’une accusation. Et c’est ce qui nous pend au nez. Gageons que nos députés nous proposent, pour une fois, une autre politique que celle-ci lorsqu’ils auront à se pencher sur la question.

QOSHE - Le consentement dans le droit français : "Un renversement du système de preuve" - Julia Courvoisier
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Le consentement dans le droit français : "Un renversement du système de preuve"

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20.03.2024

Si je peux aisément comprendre que nos députés sautent sur la moindre occasion médiatique pour déposer une proposition de loi à leur effigie en pensant gagner quelques électeurs, j’avoue l’accepter beaucoup moins lorsqu’il s’agit de notre président.

Nous avons eu droit à « l’homicide routier » à la suite de l’affaire impliquant Pierre Palmade en 2023, terme présenté comme uniquement symbolique parce que les « familles des victimes ne comprennent pas », alors pourtant qu’il bouleverse notre Code pénal en créant une nouvelle catégorie d’homicide : celui qui n’est ni volontaire, ni involontaire.

Nous avons aussi eu droit aux débats sur l’irresponsabilité pénale à la suite de l’affaire dont a été victime Sarah Halimi qui a donné lieu à la loi du 24 janvier 2022. Là encore, « on » ne comprenait pas pourquoi l’accusé, après avoir consommé du cannabis et fait une bouffée délirante, avait été déclaré irresponsable pénalement par plusieurs experts et par différents magistrats.

« La communication mensongère de certains responsables politiques mais aussi de certaines militantes ont ainsi gagné. »

Faire des lois symboliques en touchant en........

© Marianne


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