Les passions sont-elles en passe de supplanter la raison ? C'est la thèse défendue par Christophe Bourseiller dans son dernier ouvrage La France en colères (éditions du Cerf). Dans ce qui constitue le fruit de dix ans de recherche, l'essayiste passe au peigne fin les derniers mouvements contestataires, des Bonnets rouges aux antivax, sans oublier les Gilets jaunes ni les écologistes radicaux, et analyse les mutations subies par l'extrême gauche et l'extrême droite, sans pour autant les amalgamer. À travers ce livre, l'auteur brosse le portrait d'une France dans laquelle la contestation ne cesse de progresser, comme peut en témoigner le mouvement actuel des agriculteurs en colère, mais parfois au détriment de la cohérence.

Marianne : Selon vous, les passions ont-elles remplacé la raison en politique ? La contestation actuelle des agriculteurs en est-elle une preuve de plus ?

Christophe Bourseiller : Je me base avant tout dans ce livre sur une observation au long cours des mouvements extrémistes et des phénomènes de marge. J’ai démarré cette observation dans les années 1970 et je la poursuis, notamment au sein de l’Observatoire des extrémismes et des signes émergents (OESE), qui est rattaché à l’Université polytechnique Hauts-de-France (UPHF). J’observe en fin de compte une situation paradoxale. On assiste de nos jours à une incontestable montée des colères, qui profite aux courants extrémistes de droite comme de gauche.

Mais en parallèle, ces mêmes courants extrémistes peinent à populariser leurs solutions alternatives et sont bien souvent contraints de simplifier leur programme pour toucher un public qui lit peu ou pas du tout. Pour résumer les choses, les manifestations violentes, les bagarres, les attentats se multiplient, mais la plupart de ceux qui veulent en finir avec le monde actuel et ses injustices ne parviennent pas à formuler un projet politique alternatif.

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La passion, l’engagement et la colère ont toujours vertébré les mouvements sociaux, et les salariés ou les agriculteurs qui luttent pour leurs revendications ne sombrent pas forcément dans le nihilisme. L’actuel mouvement syndical et catégoriel des agriculteurs en témoigne. Les paysans formulent des revendications précises.

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Christophe Bourseiller : "Il y a une accumulation de colères qui, pour l’instant, ne convergent pas"

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01.02.2024

Les passions sont-elles en passe de supplanter la raison ? C'est la thèse défendue par Christophe Bourseiller dans son dernier ouvrage La France en colères (éditions du Cerf). Dans ce qui constitue le fruit de dix ans de recherche, l'essayiste passe au peigne fin les derniers mouvements contestataires, des Bonnets rouges aux antivax, sans oublier les Gilets jaunes ni les écologistes radicaux, et analyse les mutations subies par l'extrême gauche et l'extrême droite, sans pour autant les amalgamer. À travers ce livre, l'auteur brosse le portrait d'une France dans laquelle la contestation........

© Marianne


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