Sommes-nous, depuis au moins deux décennies, entrés dans un conflit entre la civilisation occidentale et la civilisation musulmane, comme beaucoup l'affirment ? Non affirme l'essayiste Jean-Loup Bonnamy, qui vient de publier L'Occident déboussolé, aux éditions de l'Observatoire. Pour lui, nous n'avons pas affaire à un affrontement entre deux blocs homogènes. Mais surtout, ce qui menace l’Occident, en proie à une crise existentielle, c'est lui-même.

Marianne : Selon vous, nous n’assistons pas aujourd’hui à un « choc des civilisations » mais à un « choc des décivilisations »…

Jean-Loup Bonnamy : Oui. Nous vivons bien un choc identitaire et culturel très grave. Mais ce n’est pas un choc des civilisations. Partout, la modernisation, la mondialisation, l’urbanisation tendent à détruire les cultures, nous décivilisant et nous déracinant complètement.

Tout d’abord, la civilisation européenne est en train de vivre une crise endogène de décivilisation et de déculturation. Elle s’américanise, oublie son histoire, renie son identité. Frappée de nihilisme, elle ne cherche plus à valoriser ni à transmettre sa culture. Elle perd le sentiment du sacré, qu’il soit religieux (déchristianisation massive) ou laïque (affaissement du patriotisme et de la mystique républicaine). Il faut regarder nos propres responsabilités en face plutôt que de chercher des boucs émissaires. Ce ne sont pas des musulmans qui ont dit qu'« il n’existe pas de culture française », c’est Emmanuel Macron. Ce ne sont pas des immigrés qui ont enlevé le drapeau français et la croix chrétienne des Invalides sur l’affiche officielle des JO.

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Ensuite, l’islam traverse sa propre crise de déculturation. L’islamisme n’est pas l’expression d’un islam millénaire. Au contraire, il est un pur produit de la modernité, né d’une réaction à la crise que traverse le monde musulman. La mondialisation détruit l’islam traditionnel, celui du village, du folklore populaire, des soufis, des confréries. À la place se diffuse un islamisme moderne, mondialisé et standardisé, qui s’appuie sur des prédicateurs en ligne et déteste la culture islamique populaire (par exemple le culte des saints musulmans). Avant, une mosquée marocaine ne ressemblait pas à une mosquée malaise. Désormais, on voit partout fleurir les mêmes mosquées à l’architecture uniforme, venue des pays du Golfe.